Forza Bastia
Un métrage, une image : Cela s’appelle l’aurore (1955)
Le prologue impressionne, accumule
les cruautés, animale et enfantine, l’eau sale au sol salit un accessoire, ô
désespoir, avant le gant du perspicace policier, le foulard fichu de l’épouse
esseulée. Au propre et au figuré incommodée par le monde immonde du « pays
pas très gai », en effet, Angela ne songe qu’à se casser sur le « continent »,
s’y cultiver au côté de son méprisant et méprisable papounet, le « clochard »,
quel cafard, de son Valerio trop dévoué, qui s’occuperait d’appréciables
patients puisque payant, cabinet inclus recta
par beau-papa. Madame « s’ennuie », ne rêve à la Bovary, marre des « romans »,
même pas de montagnard amant. Quand Clara, épiphanie d’Italie, veuve génoise et
généreuse, apparaît au chevet de la gamine maltraitée par un grand-père pervers,
malaise u paese, emprisonné au poulailler, les volatiles reviendront durant la
traversée alitée de la ville, solidaire, indifférente, festive, le médecin lui
prend la main, ne la lâche point, il la reverra, il la dévorera, couverts
intacts, ellipse pleine de tact. Face à un patron moins ordure que crapule et
queutard, quoique, face à un flic infect, lecteur du catholique Claudel, mate
les menottes, condamnant les « brutalités policières » qu’il commet
en catimini, souhaitant au toubib adultère une « bonne nuit » comme il
insinuerait une bonne baise, passant in
extremis, démasquée malice, de « pauvre
type » à « salaud », le couple en déroute s’accroche coûte que
coûte, résiste à domicile, en souvenir de vertus viriles, des « beautés de
la guerre » ironiques, à christ électrique. Ici abondent les crucifix, une
robe de mariée quinquagénaire sert aussitôt de suaire, adieu Magda, peut-être
tuba, sans doute dépressive, atteinte d’une « maladie de riche »,
désolée, délocalisée, décédée, immaculée au creux de l’obscurité. Drame du
devoir cadré au cordeau, éclairé avec brio, Cela s’appelle l’aurore Pépé
le Moko (Duvivier, 1937) se remémore, Esposito s’y suicide illico, nous refait le coup de
l’inflexible destin, grilles fermées et définitives, esquive les Atrides, les
remplace par Marx. Le cinéaste à sensibilité sociale croque en caméo un curé à
écœurer, une seconde femme infréquentable, « Sortez ! », prolo
de Sandro. De la Corse rosse, personne d’intéressant, d’impuissant, ne paraît
pouvoir partir, sinon les pieds devant, dommage pour le voilier préparé. Nelly
Borgeaud ressemble à Madeleine Renaud, Jean-Jacques Delbo à Pierre Brasseur, Lucia
Bosè possède une bergmanienne beauté. L’auteur de Los olvidados (1950) filme
des soldats gosses et des demi-taudis à la Rossellini (Allemagne année
zéro,
1948), manie en mode insulaire un symbolique bestiaire, accomplit une létale party, matrice apocryphe du vrai-faux massacre
de classe du Charme discret de la bourgeoisie (1972). En dépit de l’ensoleillée
noirceur d’ensemble, le personnage d’Azzopardi autorise un soupçon de comédie.
Au-dessus de tout ceci trône l’impérial Marchal, idéaliste donc disent-ils
déraisonné, « Don Quichotte » donc honnête homme. Coécrit par Jean
Ferry, pas encore préoccupé de vampirisme ni de saphisme (Les Lèvres rouges,
Kümel, 1971), photographié par Robert Lefebvre (Les Grandes Manœuvres,
Clair, 1955), Cela s’appelle l’aurore prépare le terrain à La
Mort en ce jardin (1956), sur lequel je ne reviens. Sise sous le signe
du sort d’Électre selon Giraudoux, il s’agit ainsi d’une réussite authentique, de
l’opus émancipé, à succès, d’une
amitié une fois sauvée…
Giovanni Nuti Ft. Concato e Lucia Bosè - Il pifferaio di Hamelin (poesia di Alda Merini)
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=eLZmG4hVMjY
https://www.youtube.com/watch?v=ZxcNpWWlu9o
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