La Comtesse

 

Un métrage, une image : Les Lèvres rouges (1971)

Scott connaissait Kümel ? Interrogation rhétorique. Cathy & Suzy, Tony lui fait baiser Fanny (Les Prédateurs, 1983), avant qu’elle ne baise vraiment Fanny Ardant (8 femmes, Ozon, 2002). Dans le sillage des outrages de The Vampire Lovers (Baker, 1970) + Vampyros Lesbos (Franco, 1971), revoici des suceuses, certes pas celles des bandes classées X, même si la brunette suspecte, à la coupe Louise Brooks, semble presque une soubrette, issue de la pornographie française de jadis, so seventies. Au début, ça baise, bis, avec entrain, au creux du compartiment d’un train, salut à Martin (Romero, 1977). Ensuite, ça s’installe à Ostende, hôtel bunker à la Enki Bilal (Bunker Palace Hôtel, 1989), soupçon de India Song (Duras, 1975), puisque surgit l’irrésistible Seyrig. Ce récit séduisit la féministe Delphine, qui piège le mec qui ne pense pas qu’avec sa tête, fellation d’occasion, qui avec sa ceinture, motif de rupture, sa femme fouette, mari pas si mimi, grabuge à Bruges, macchabée récalcitrant, photographie en noir et blanc. La comtesse Bathory ne ressemble à celle de Delpy (La Comtesse, 2009), il ne s’agit de la rédimer, victime ou cinglée, davantage d’associer le saphisme au vampirisme. À la juvénile Valérie, Suissesse secouée par le sadisme de son bien-aimé, elle assure que les hommes, en somme, ne désirent que nuire aux membres du deuxième sexe, les transformer fissa en « esclaves, choses, objets de plaisir » ou pire. Tandis qu’il paraît d’abord épouser ce point de vue absolu, via les violences précitées du jaloux relou, le conservateur Kümel fait marche arrière, gare à la lumière, pendant le premier épilogue d’accident, d’empalement, d’embrasement, rasoir de salle de bains ou branche de tronc d’arbre, choisis ton arme. Quant au second, pas de solution de continuité, la continuité sans solutions, vive la nouvelle (ré)génération, il souligne un conservatisme d’un autre type, celui du funeste destin, de la soumission aux anciens, de l’éducation, sexuée, sexuelle, existentielle, comme transmission, répétition et, bien sûr, vampirisation. Les tourtereaux trop « parfais », trop « beaux », ne sauraient en résumé s’émanciper de leurs parents par procuration, à grandes dents, au lointain horizon. Stefan, orphelin, téléphone à un interlocuteur cadavérique, aux paroles explicites, soudain Anne Rice prend la place d’Œdipe, ah, ces Anglais, quelle (rapports de) classe, quels (éduqués) pédés… Opus européen, coécrit par Jean Ferry, familier de Clouzot & Christian-Jaque, flanqué de Franju sur La Faute de l’abbé Mouret (1970), Les lèvres rouges, aka Daughters of Darkness, affiche des fondus au rouge à foison, un bidet souillé en mode Du sang pour Dracula (Morrissey, 1974), un truc en plume manière Jeanmaire, un imperméable à la Batman, un couvercle en verre, tu vas prendre cher, un christ en peignoir, vite évidé, emballé, du balcon balancé, au revoir l’abreuvoir. Élégant et languissant, conte de couples en (dé)route, à policier retraité, écrasé, écarté, bien éclairé, bien musiqué, ah, François de Roubaix, il met en images les dommages d’une intimité enténébrée, d’humour noirissime parsemée. Chez Lacombe, Dietrich adoubait Balavoine, supériorité d’aimer sur être aimé ; ici, Seyrig affirme que « l’amour partagé n’a pas de limites, plus fort que la vie et la mort. » L’infernal trio, à la Girod, s’excite au lexique, conversation évocation, atrocités passées, dit adieu à la normalité, grille in fine (re)fermée…

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir