Le Voyeur absolu
Maintenant des images-mots, une demoiselle de « machine de compagnie » bientôt…
Des visages. Des paysages. Des
preuves. Des produits. Tout ceci se visite sur un seul site : Brieuc Le Meur Photography. Tout ceci séduit, élargit l’horizon et l’esprit,
permet de se déplacer immobile, de déplacer les lignes, celles de la
perspective, celles de la prospective. Les images du photographe ne ressemblent
dès lors à des natures mortes, même s’il exerce, fi de frontières, un art de
toute façon funéraire. Elles incitent au récit, elles racontent quelque chose
de sa vie à lui, aussi. En couleurs, en noir et blanc, de face, de profil, les
portraits immanents défilent, ceux des femmes dotés d’un érotisme subtil, ceux
des hommes d’une convivialité bonhomme. Les modèles, tout sauf modèles, non
formatés, non faisandés, nous regardent sans prendre garde, sans être déifiés,
se défier, photographies de confiance, de connivence, de sourires, de désirs. Dans
En
marge, son autobiographie d’extasié par les coulisses du Crazy, Jim
Harrison identifie en somme le corps d’une femme comme « la plus belle
chose du monde », amen. La
beauté des inconnus de Brieuc existe selon ses yeux, la douceur déposée sur
eux. Un similaire sentiment de calme désarmant réside dans les panoramas d’habitats ou naturels,
éternels ou industriels. L’étrangeté colorée du monde déserté ne procède d’une
quelconque collapsologie, davantage d’une éveillée rêverie. Le Meur
n’immortalise l’humain malheur, ne manie les signes limpides d’un univers
sensible, derrière lesquels déceler l’assurée, arrivée, définitive disparition
de l’espèce bipède. Ses clichés de cheminées, de minarets, de montagnes,
d’immeubles, de nuit, de neige, d’objet à voler, de féminin fessier, d’arbres,
d’étoiles, de plages, ne relèvent du naufrage, participent du géographique, du
géométrique, du mystère d’atmosphère. Les traces du réel, lui-même mis en
scène, affichent et affirment des manifestants, des enfants, une photographe,
une fumeuse, des festivités, des flambées, des gens masqués, des mecs aux yeux
fermés, des nanas en train de danser, une peinture murale de Warhol au carré,
banane et conserve incluses, bien sûr, souterrain de velours pour vénus à la
fourrure. En public, en privé, en solo, accompagnés, à l’improviste, sur la
piste, les sujets se prêtent au jeu sérieux, les pylônes, les barrières, les
échelles, les poubelles, ne sauraient rivaliser avec les jambes joliment
dévoilées d’une jolie blonde au corps courbé, au bras levé, sa main près d’un
cierge presque sacrilège, point éteint. On peut penser parfois, pourquoi pas,
devant une face non figurée, une autre à demi endormie, mouillée, noyée, à
Franju & Lynch, donc à Édith Scob & Sheryl Lee, oh oui. A contrario d’Evgen Bavcar, auquel
emprunter le titre de ce billet, de sa muse littéraire, à soucis oculaires,
Brieuc Le Meur voit clair, sait ce qu’il faut faire, afin de capter au lieu de
capturer, laisser le silence s’exprimer, à
l’opposé de la basse-cour des réseaux supposés sociaux. Témoignages
démunis d’outrages, instantanés apaisés, invitations à voyager, au sein de
l’immensité, au milieu de l’intimité, les items
amènes de BLM constituent une collection d’émotions, de sensations, de raisons
de ne se résoudre à la machine à découdre, de l’indépendant Mocly, des mille et
un ennemis. Avant de revenir volontiers à la rentrée, puisque sortie estimée en
septembre, vers l’album guère à la
gomme élaboré au côté de Lili Frikh, la galerie en ligne dessine ainsi, en
sourdine, l’artiste altruiste…
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