Pinocchio
Un métrage, une image : Menteur (2022)
Remake niçois
d’un succès québécois (Menteur, Gaudreault, 2019), aussi
moralisateur que Menteur, menteur (Shadyac, 1997), ce téléfilm infime pouvait
s’avérer jeu de piste réflexif, réflexion en action(s) sur les puissances et
les souffrances de la fiction. Mais la coproduction Gaumont & M6, associés
symboliques, souffre d’être lisse, délestée de malice, inoffensive et poussive.
Lorsque Chloé, pas celle de L’Écume des jours, condamnée à crever
au milieu d’un univers autant cruel que merveilleux, désigne du terme « incidents »
un substantif péjoratif (« blondasse ») + une insulte sexiste (« pute »),
proférés par un client russe pas encore préoccupé par l’Ukraine, plutôt le
traitement des eaux, elle souligne à son insu le consensuel du logiciel, que la
coda de capitale, rencontre sentimentale, tourisme fluvial, pont du passé
supposé célébrer l’amitié slave et hexagonale, d’article d’usine, d’abord en
cyrillique, à solution, à bonne action, viendra en définitive verrouiller. Le
même retournement de gant, palindrome bonhomme, se vérifie via la « maltraitance » à outrance puis, séquence
suivante, la bienveillance désarmante de parents opposants, ensuite aimants. En
matière d’étymologie, malédiction
signifie médire, sinon maudire ; le sort soudain subi par Jérôme procède
directement de la parole, du dialogue. Depuis tout enfant, depuis ses huit ans,
notre anti-héros pas si rigolo, cf. le frérot à l’osto, molto mytho, ment à tout
le monde, a fortiori à lui-même, c’est-à-dire qu’il évite la vérité, l’évacue,
la recrée, jusqu’à ce que sa version en vienne à s’incarner, à se réaliser au
creux et au cœur de sa réalité. Le pire et le meilleur accourent en chœur, la
damnation laïque n’empêche l’apparition ludique. Comment remédier à
l’écosystème déréglé, intime et municipal, des baleines balèzes au pays de Cricri
Estrosi, à peine de la science-fiction, puisque possible conséquence du
réchauffement à foison ? En avouant à la multitude des interlocuteurs,
carnet aux craques à rayer, la somme des diaboliques erreurs. Tromper, se
tromper, tromper autrui, ceci confine à la diablerie, prologue d’abbaye
compris. Dieu désormais aux abonnés absents, la psychanalyse sert de palliatif
olfactif, Jéjé consulte l’ex-mari toujours
très tourmenté de la craquante Chloé parmi des fromages indifférents aux dommages.
A Dangerous Method (Cronenberg, 2011) s’inspirait d’une pièce de théâtre au titre explicite, The
Talking Cure, thérapeutique du lexique que met en pratique le menteur chronique, aux mobiles psychologiques presque pathétiques. La déclaration sur le balcon
fonctionne de la même façon, elle exile le sexe, incite au sommeil platonique,
partagé, apaisé. De la traductrice complice à la patronne à la gomme, de
l’épouse à couper l’appétit, confessions en série, à l’accompagnatrice mutique,
chérissant le « cheese » de selfie,
la propagandiste pravda, majuscule autorisée, issue de Russie, les femmes
affables ou infréquentables savent se servir des mots, soulager ou susciter les
maux. Le pantin humain, trop humain, de Comencini (Les Aventures de Pinocchio,
1972) affichait ses foutaises de petit subersif contre le conformisme éducatif. Celui-ci, sorte
de grand enfant facile, infantile, Tarek Boudali ressemble à Rocco Siffredi,
cherche à rétablir l’ordre établi, admis, permis, l’interprète blonde à la
place de la fée bleue, tant mieux. Titi en écho à Collodi, Baroux oublie les
vertus nietzschéennes du métier, de l’artificialité, le « mentir-vrai »
d’Aragon, l’authenticité des émotions. Peu drôle, peu Tolstoï, Menteur
carbure à la culpabilité, à la seconde chance de la transparence, leçon à la
con de morale estivale aux spectateurs la tête ailleurs, à la fraîcheur.
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