Tosca : Scarlet Diva
Amoureuse meurtrière ? Expérimental somnifère…
Produit culturel produit par
l’inévitable Toscan du Plantier, ici escorté d’ARTE, ce film interminable et
inanimé se souvient, un soupçon, de Losey (Don Giovanni, 1979) & Żuławski (Boris
Godounov, 1989, DTP bis).
Hélas, le son direct et la dimension méta ne suffisent pas pour dynamiser une
entreprise dépassionnée, quel étonnant malentendu, au vu et à l’écoute du
matériau utilisé, transposé, cf. la mention « d’après ». Ce Tosca-là
(Jacquot, 2001), ni le premier ni le dernier, inclut des ponctuations
d’extérieurs en vidéo, en POV, au ralenti, rappelant l’amateurisme lucratif du Projet
Blair Witch (Myrick & Sánchez, 1999) ; des enfants de chœur
écarlate ; un duo de salauds gentiment homo, remember l’homologue de La Mort aux trousses (Hitchcock,
1959) ; un pâtre puéril en gros plan ; une lune illustrative, adaptée
aux paroles ; un couteau de giallo, reflet du préfet offert ; un
puits à domicile, à la Ring (Nakata, 1998) ; un clin
d’œil pictural à la guère révolutionnaire Isild Le Besco ; deux ou trois
regards caméra de mauvais aloi ; des plans-séquences d’endurance et, last but not least, du torture porn bleuté, olé. Il s’autorise en
outre un tressage stérile, au post-modernisme
scolaire, entre la répétition/enregistrement in situ, à Londres, et le spectacle déroulé sur un fond noir, en
rime au néant rampant, very arty, du
dérisoire Under the Skin (Glazer, 2013), en sus d’apartés off, d’une poignée de dialogues non
chantés. Parfois, allez savoir pourquoi, sans doute pour faire cinéma, l’objectif
se juche sur une grue, pourtant privé de perspective divine, et l’on s’attend
presque à revoir la chute élégante, florissante, de Karin Dor dans L’Étau
(Hitchcock, 1969). Quant à Scarpia, son infernal aria se voit invalidé
par un travelling circulaire à 360°
plus proche de Lelouch que de De Palma, oui-da.
Comme si tout ceci ne suffisait à
user la patience du cinéphile mélomane, l’artifice souligné, distancié, du play-back
généralisé déréalise des performances disons discutables, car Angela Gheorghiu,
dommage, ne s’avère jamais crédible en cantatrice au carré, une pensée pour
l’irremplaçable Callas, Pasolini opine, en éprise pitoyable puis impitoyable,
flanquée d’un Algana transparent, d’un Raimondi grimaçant, d’un Pappano assez
risible en chef d’orchestre hystérique, extatique. La mise en scène anémiée
accompagne à l’unisson la réalisation désincarnée, effectuée en HD, incapable
de saisir, même à proximité d’un feu de cheminée paresseusement symbolique,
celui du trio sado-maso, idem en ce
qui concerne sa supposée sensualité, en dépit des commentaires éclairants,
éclairés, du responsable Gasc, présents sur le DVD, en guise de supplément
coloré. Au-delà du ratage total de l’ensemble, le pensum à succès, télévisé, pose le problème résiduel d’une alliance
a priori naturelle, en réalité
illusoire. Contrairement à la modeste comédie musicale, mue par le mouvement, liée
à l’élan, traduisible avec aisance, réinventée via le cadre ouvert de l’écran, la puissance suggestive du
hors-champ, la forme opératique, souvent élitiste, possède un immobilisme
refroidissant, un expressionnisme scénique peu compatible avec la modération du
soi-disant et dominant réalisme filmique moderne. Un art vivant peut-il nourrir
un art funéraire ? Le spectaculaire peut-il se passer du public ? Dû à un
cinéaste installé, subventionné, adoubé par la critique, au CV anecdotique, vite
dit les nôtres à ses Adieux à la reine (2012), insipide
pâtisserie pseudo-historico-saphique, Tosca répond non, réussit cette
dispensable alchimie, transformer un réjouissant opus populaire en prototype de cinéma petit-bourgeois.
Demeurent au crédit de l’ersatz
longuet, pasteurisé, tourné en studio, en Germanie, la lumière estimable de
Winding, collaborateur de Brisseau sur Noce blanche (1989) + L’Ange
noir (1994), d’Estibal sur Le Cochon de Gaza (2011) et,
surtout, la musique admirable de Puccini, n’en déplaise au snobisme spécialisé,
le livret tout sauf fastidieux de Giacosa & Illica, saluons Sardou,
Victorien, pas Michel, à la réflexivité inspirée, au féminisme offensif. En
parallèle du replay inversé, au bord
du burlesque plus ou moins volontaire, de l’interlude du troisième acte, l’ultime
plan diégétique du mélodrame étymologique comporte un petit nuage de poussière
drolatique, provoqué par le vol plané de l’héroïne suicidaire, manière, in extremis,
de relativiser la tragédie, d’éloigner le lyrisme, avant de conclure à la
console, de revenir en zoom arrière
au noir et blanc de la session collective. Quelque part, sur microsillon EMI,
Maria se marre tandis que le lecteur, si ma prose lui importe, se consolera en
compagnie des Contes d’Hoffmann (Powell & Pressburger, 1951), Phantom
of the Paradise (De Palma, 1974), Princesse Chang Ping (Woo, 1975), M.Butterfly (Cronenberg, 1993) ou, par perversité verdienne, l’obscur-séminal
Opéra
(1987) d’Argento. Dans ce titre-ci, sa Betty à lui, tout autant traumatisée que
celle de Beineix, amateur notoire de bel canto éclairé au néon à la con,
revoyez, si vous l’osez, Diva (1980), 37°2 le matin (1986),
doit garder les yeux ouverts, sous peine de se les crever. Ainsi se passa la pénible
soirée, boucle bouclée d’inoffensive inanité rétive au renversant, au
sublime, au premier degré davantage qu’à l’exercice de style maniéré,
chloroformé, oubliable et déjà oublié.
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