Le Trou noir : Gravity
Bricoler la capsule ? Figurer l’infigurable…
Une BO de John Barry ? Un casting incluant Yvette Mimieux, Ernest
Borgnine, Robert Forster, Anthony Perkins, Maximilian Schell ? De la SF
d’astrophysique, fantaisiste, certes ? Tout ceci donne envie de (re)voir
Le Trou noir (Gary Nelson, 1979), de faire fonctionner la frange d’enfance
enf(o)uie. Par conséquent nous voici, illico, à bord du Palomino, confronté, dès le
générique infographique, en vert cadavérique, à un film funèbre, l’un des rares
essais de Disney désireux de s’adresser aux adultes, en sus des Yeux
de la forêt (John Hough, 1980), de La Foire des ténèbres (Jack Clayton,
1983), diptyque fantastique, cette fois-ci. The Black Hole ou la
rencontre de Vingt mille lieues sous les mers (Richard Fleischer, 1954), idem produit par le studio de Walt, avec
Silent
Running (Douglas Trumbull, 1972), serre partagée. Dans le sillage de
James Mason, Schell interprète un ermite ne sachant se lasser des « merveilles »
spatiales ; moins terroriste que le maritime Nemo, tout autant
misanthrope, il souhaite aller de l’avant, traverser « l’horizon des
événements », dévoiler, qui sait, le visage de Dieu, envisagé de l’autre
côté. Il finira dans les flammes d’un enfer stellaire, faux prophète aux faux
airs de Moïse, de Charlton Heston chez Cecil B. DeMille (Les Dix Commandements, 1956),
désormais fusionné au sein d’un androïde au prénom homonyme, Max non plus
menace mais Vieux de la Montagne sur son Hadès des étoiles, tandis qu’à droite
de l’écran en Scope, un ange féminin surgit peu à peu le long d’un couloir en
cristal, aux arches d’église. On ignore à quoi le co-scénariste Jeb Rosebrook, par
ailleurs signataire de Junior Bonner (Sam Peckinpah, 1972), et ses camarades carburaient, néanmoins la came ne devait guère être
catholique, pour ainsi dire.
Gary Nelson, pas encore aux commandes
du dispensable Allan Quatermain et la Cité de l’or perdu (1986), déjà
stakhanoviste à la TV, s’en sort avec les honneurs, filme sa fable d’hubris
heuristique avec soin, serein, impersonnel, bien secondé par le légendaire Peter
Ellenshaw aux effets spéciaux, vétéran de retour, compagnon de route des
Archers, de Miss Poppins, de la
Coccinelle et même du Dick Tracy de Warren Beatty (1990). Opus choral, sidéral à défaut de
sidérant, Le Trou noir se situe surtout dans un vaisseau fantôme sis
entre celui d’Albator et une mosquée à contre-jour, rempli de morts-vivants
soumis et maintenus en vie via une
technologie jolie, Nelson himself en
caméo de zombie aux manettes,
mazette. Mutinerie matée, père de la télépathe renvoyé ad patres, le relou Maxou gère tout, sauf ce second équipage au
bord du naufrage, chercheurs de vie et d’ennuis. Émulation, révélation,
trahison, météorites, dommages puis trip
presque psychédélique, Babel de bande-son, sortie de sonde, sans omettre de
l’apesanteur, de la peur, des robots, du jeu vidéo, de la glace, du feu et un enterrement réflexif, explicite –
trop ou pas assez, au vu du succès en salles mitigé. Film modeste et simple,
pas minable ni simpliste, Le Trou noir rappelle la nature
foncièrement funéraire de ce style d’odyssée, souligne son conservatisme,
esquisse sa romance discrète, avec une candeur convaincante. Le personnage du
« romantique » Reinhardt, commandant allemand citant Goethe,
apparemment, remémorant le Hollandais volant de Pandora (pas la planète
de James Cameron, l’item d’Albert
Lewin, 1951), Jim Mason, bis,
survivant insoumis adepte de la lobotomie, croisé vingt après sa disparition,
amitiés aux mousquetaires de Dumas, représente la meilleure part du métrage,
logique hitchcockienne du méchant réussi, du film aussi.
Kate maudit le vrai Max, désire, dixit, que
le tunnel s’avère sa tombe, bigre ; sur l’équivalence de la matrice et du
mausolée, relisez-moi ou pas à propos de Inseminoid (Norman J. Warren, 1981).
Finalement, nos quatre rescapés secoués, sains et saufs, Mademoiselle Mimieux
davantage éprise des Quatre Cavaliers de l’Apocalypse
(Vincente Minnelli, 1962), s’extraient d’un trou blanc raccordé à la créature
céleste, immaculée, précitée, avisent un astre à l’écart du désastre, peut-être
la Terre, ma chère, s’y dirigent fissa, hourrah,
version révisée, délestée de sa métaphysique de nursery visionnaire, de la coda lumineuse et obscure du 2001,
l’Odyssée de l’espace (1968) de Kubrick & Clarke. Alors The
Black Hole se donne à voir via
sa perspective éthique plutôt que poétique, comme une figuration de saison du
trépas, de son au-delà, le ciné, art de retrouvailles, de funérailles,
transformé de manière idoine en sympathique, même étique, « expérience de
mort imminente », de NDE, CQFD.
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