Quatre étranges cavaliers : Faux et usage de faux


La fête et la défaite, le bandit et l’hallali…


Film bref, article court : faux remake du Train sifflera trois fois (Zinnemann, 1952), Silver Lode (Dwan, 1954) semble exploiter un toponyme de « filon argenté », en effet, se faire du fric, même paupérisé, sur le dos de Foreman, scénariste blacklisté, reprendre avec paresse, ou adresse, suivant la perspective critique, les trois unités de la scène classique, en sus de constituer une charge à peine dissimulée contre le maccarthysme, bis. En réalité, High Noon, hanté par le récent souvenir de la Shoah, par le cancer de Cooper, ne se réduisait pas à cela, relisez-moi, please, et Quatre étranges cavaliers parvient à vite s’émanciper du modèle, du message, afin de raconter une fable différente, davantage préoccupée de falsification que de dénonciation, a fortiori d’affreux délateurs. Cet opus rapide, rempli de travellings, dont l’un, assez superbe, panoramique, escorte une fuite en plan-séquence, ne pouvait que plaire au véloce Scorsese, ancien séminariste express qui dut apprécier à sa juste mesure le « miracle » de la coda catho, de la cloche d’église sur laquelle ricoche la balle d’une némésis nommée McCarty, sorte de suicide céleste du méchant acharné, amen. Quatre étranges cavaliers se déroule donc un 4 juillet, jour de réjouissance nationale conviviale, salut à Stone (1989), se joue sur une journée très agitée pour le bien-aimé Ballard, sur le point d’épouser une immaculée friquée, d’appartenir de manière définitive à sa communauté d’adoption. Hélas pour lui, son passé refait surface, sombre histoire de jeu, de meurtre, de gain et de lendemain. Écrit par une certaine DeWolf Karen, le film réserve un joli rôle féminin à Dolores Moran, actrice méconnue et femme éphémère, cancer again, accessoirement proche du producteur Bogeaus. Le solide et taciturne Payne doit une « fière chandelle », sinon un cierge, à son ex, entraîneuse gouailleuse et précieuse.



Ici ou ailleurs, les apparences affirment, cf. la remarque lucide d’un travailleur sur les visiteurs de malheur, tais-toi, balance inconsciente, elles trompent itou, et l’éthique se situe du côté d’une prostituée, pas de celui d’une foule fissa déchaînée, amitiés à Hardy. Dwan, stakhanoviste formé par Griffith, en émule de Chabrol, de Lynch ? Oui-da, car la satire sociologique se double d’un filigrane religieux, christique, apocalyptique, transparente numérotation de canassons incluse. Après un attroupement d’enfants presque à la Peckinpah (La Horde sauvage, 1969), puisque dépourvu de scorpion, de fourmis, bestiaire symbolique, wellesien, tout débute par un faux document, tout se termine idem, avec l’aide contrainte du télégraphiste craignant le courroux jaloux de sa compagne. Tout ceci rappelle Le Criminel (Welles, 1946), autre chasse à l’homme enracinée dans la province US, nourrie de souvenirs sordides, achevée au sommet d’un clocher. Conte moral jamais démonstratif, Quatre étranges cavaliers ne traque plus les nazis blanchis, insoupçonnables, il met à sac une bourgade bien-pensante, il démasque les mesquineries, il souligne la versatilité des preuves, étymologie juridique du terme « document ». La Loi reste fragile, soumise à des retournements incléments, le doute s’immisce même chez l’insipide Rose, l’Adversaire, on le sait, adore mystifier. Exercice de style alerte, choral, coloré, merci à l’expertise d’Alton, oscarisé sur Un américain à Paris (Minnelli, 1951), Silver Lode tire son éclat modeste, avéré, conservé, de sa capacité à repeindre le trop beau tableau, à rendre rosse la noce œcuménique, à identifier en chacun, selon l’instant, les participants, une dualité identitaire ontologique. Il s’agit, par conséquent, d’un western existentiel, existentialiste, où nos actes nous caractérisent, où le salut, estimable renversement, provient d’une « fille perdue », in fine détentrice d’une déclaration authentique, tardive, femme forte et fragile, fréquentable, que Dwan surcadre à travers la fenêtre du bureau des poteaux, Ariane du labyrinthe étasunien venant l’apporter à son Thésée harassé, écœuré, cependant sain et sauf, ouf.


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