St. Agatha : Intérieur d’un couvent


Pratiques peu catholiques de huis clos trop anecdotique.


Si l’on en croit les sociologues, la France se déchristianise, tandis que le ciné US, surtout classé horrifique, ressuscite les religieuses. Contemporain du piètre La Nonne (Hardy, 2018), St. Agatha (Bousman, 2018) miroite la mascarade du récit, puisqu’il s’agit d’un faux film de nunsploitation sis au sein d’un couvent contrefait, vous suivez ? Cinéphile avide de plaisante perversité, de lesbianisme immaculé, voire de féminisme fouetté, passe ton chemin, de croix. Fanatique du torture porn à la sauce Saw, disons les épisodes II (2005), III (2006), IV (2007) signés du similaire cinéaste, va vite assouvir ton sadisme ailleurs. Devant ce métrage in fine assez sage, en dépit de vomi (r)avalé hors-champ, une pensée écœurée pour l’ex-performeuse Melissa Lauren, d’une langue coupée en deux temps, d’un pied amoché, on pense davantage à Annabelle 2 : La Création du mal (Sandberg, 2017), idem déroulé durant les années 50. Certes, le gynécée asphyxié, le verre coloré, évoquent l’indispensable Suspiria (Argento, 1977), mais les correspondances s’arrêtent là. Pas de fantastique ni d’opératique ici, juste une culpabilité au présent, au passé. Enceinte, esseulée, désargentée, Mary, Lou optionnel, se retrouve donc au creux d’une baraque évacuée par le Vatican, devient la proie d’une mère supérieure elle-même en manque d’argent. Après la violence du père amer, le décès accidentel du petit frère, la pénible soupe populaire, comme un avant-goût de l’Enfer pour la parturiente impuissante, au fruit de ses entrailles convoité par des capitalistes stériles, sinon séniles. Aux USA, tu en conviendras, tout se vend, y compris un enfant, un enfantement. Avec son argument de mélodrame maternel, son sujet de Lebensborn délocalisé, ses retours en arrière pépères, St. Agatha ressemble presque à un téléfilm d’après-midi sur M6, à un miroir déformé d’angoisse sexuée.



Dieu merci, le talentueux directeur de la photographie Joseph White  transcende tout cela, au moins jusqu’à un certain point. Quant à la distribution chorale, elle ne démérite pas, mentions spéciales à la tourmentée Sabrina Kern, à la tourmenteuse Carolyn Hennesy. Voici les meilleurs éléments du film, sans doute les seules raisons de le subir. En effet, l’ouvrage soigné, élégant, intrigant, se dilue rapidement, se traîne à l’instar de l’héroïne à terre, sa cheville esquintée à la Misery (Reiner, 1990), paraît pressé de disparaître, au risque de l’inepte, au prix d’un dénouement-revirement à coup de billets volés, partagés, de mort-aux-rats en veux-tu en voilà, de cordon ombilical servant à étrangler la servante zélée, olé. Bousman compose ses cadres en Scope, se sert du steadicam avec une adresse discrète, parvient à créer une délétère atmosphère de mystère(s) puis, dès le premier souvenir d’arnaque en tandem, se soumet à la paresse du champ-contrechamp, se contente ensuite d’illustrer un scénario falot commis à huit mains, Seigneur. Ni La Résidence (Ibáñez Serrador, 1969) ni The Magdalene Sisters (Mullan, 2003), St. Agatha ne se soucie de symbolisme, de satire, de social, à peine de cinéma, précisent les plus sévères. Le natif du Kansas le tourna en toute indépendance, en Géorgie jolie, alanguie, remarquez le médecin noir et marron, double acception ; peut-être se laissa-t-il ainsi griser par la « modération » de la devise étatique. En l’état, il livre une œuvre inaboutie, avortée, qui d’abord séduit, lasse dans la foulée, désintéresse à cause de ses esquisses, de son moralisme expéditif. Conte de fées défait dont l’ogresse finit au fond d’un cercueil, cette fois-ci sans supposée renaissance, sans nouveau prénom de martyre sicilienne, St. Agatha occupera une petite soirée de curiosité, se dissout déjà parmi son innocuité, son inanité, son insipidité – pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils nous font, car ils font des films cacochymes, anonymes, mort-nés, amen.



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