Djinn : Inch’Allah dimanche
À Dubaï, Tobe déraille…
Ça vient de là-haut
Comme le vent sur ma peau
Le destin nous entraîne
Comme une ritournelle
Chimène
Badi
If I looked all over the world
And there’s every type of girl
But your empty eyes seem to pass me by
And leave me dancing with myself
Billy Idol
Ce Djinn (Hooper, 2013) suit
Djinns
(Martin, 2010) et Djinn (Dufaux & Mirallès, 2001-2016), sans « événements »
clivants, sans sensualité dessinée. Il s’agit de l’ultime film de Tobe, tourné
aux Émirats arabes unis, produit par Image Nation, société déjà associée au Complexe
du castor (Foster, 2011). Du fantastique arabophone sur fond de relooké,
délocalisé, Rosemary’s Baby (Polanski, 1968) ? Pourquoi pas, dépaysement
prometteur, possibilité d’un sang neuf épicé, métissé, en VOST, mais cela,
hélas, ne fonctionne pas, clôt une courte carrière sur une note très mortifère.
Certes, on décèle ici des échos assourdis des œuvres précédentes, par exemple l’ouverture
solaire, crépusculaire, mortuaire, en mode Massacre à la tronçonneuse (1974),
la persistance du surnaturel rural, létal, héritage d’outrages(s) en rime aux Vampires
de Salem (1979), un hôtel aussi hanté que son homologue de Toolbox
Murders (2004). Cependant plus rien ne surprend, ne vit, ne séduit, et Djinn
s’insère ainsi dans le sillage funeste de Dracula (Argento, 2012), Passion
(De Palma, idem), Map to the Stars (Cronenberg, 2014) ou ManHunt (Woo, 2017), derniers mots
inaudibles, sinon risibles, de cinéastes fétiches désormais aphones, en phase
terminale, qu’ils aillent tous au diable. Le diable de Djinn s’avère être une diablesse,
une mère séparée de sa progéniture impure, fruit de ses entrailles aux faux
airs de funérailles, conçu avec un humain, substitué au sien bambin. Sudiste
satiriste, Hooper se soumet à l’esprit de sérieux, à l’interdiction expresse de
plaisanter aux dépens de la religion, les spectres parisiens des caricaturistes
massacrés ne nous contrediront point, même si, bien sûr, Allah ou Dieu merci,
l’islam, surtout éclairé, hospitalier, altruiste, diffère fondamentalement du
fanatisme médiatique à main armée, son démon intime, à domicile, mondialisé.
Outre ce tabou relou, illustré par la scène du touriste US et des locaux
envieux de Vin Diesel (Fast and Furious, Cohen, 2001), Djinn
se voit incarné, davantage désincarné, par un casting médiocre, dont la double culture duplique pourtant celle des
personnages de la diégèse.
Dû à l’obscur Tully escorté par son
épouse co-productrice, le scénario ne développe jamais cette dialectique,
stimulante ou désolante selon la perspective, l’expérience, se réduit à un
couple en crise, une quête suspecte, un infanticide en flash-back et une identification finale en regard caméra, amen. Avec son sheitan à chier, son
village de pêcheurs, voire de pécheurs, déserté, son éclairage cendré, ses jump scares soldés, ses plans plats et
son assemblage surdécoupé, pseudo-dynamisation dérisoire d’un statisme dépourvu
d’espoir, Djinn ressemble à un téléfilm fauché, à un produit hybride,
stérile, stérilisé. Issu du feu, le succube exotique recherche son fils
outre-Atlantique et la New-Yorkaise fissa transformée en desperate housewife
exilée trucida son nourrisson luciférien, tandis que l’artiste discret,
entre-temps réinventé romancier unique, anecdotique, ne dispose plus du feu
sacré, délivre un ouvrage avorté, à la sortie réduite, repoussée, peut-être en
raison de son assez hideuse vacuité. Le huis clos en studio pour masos décuple
par conséquent la nécrophilie de la cinéphilie, sidère et envoûte les plus
pervers, à l’instar d’un cadavre avéré, sa damnation à la con paraissant durer
une infernale éternité, cf. la signification explicite du prénom Khalid. Les
familles malmenées, mémorables, de Poltergeist (1982), Massacre
à la tronçonneuse 2 (1986), Mortuary (2005), se réduisent in situ à une cellule sociale en effet
carcérale, un trio rococo de vain vaudeville. Construite sur un territoire
consacré, tel l’Overlook de Shining (Kubrick, 1980), la tour illusoire,
orgueilleuse, irrespectueuse, capitaliste plutôt que pieuse, au seuil à peine
visité par la police appelée, apeurée, rappelle celle de Land of the Dead (Romero,
2005). De l’hystérie du désert texan à la cacochymie des sables de l’Orient, il
suffit d’une existence et d’un financement, façon de boucler la boucle sur une
déroute, un ersatz anémié, sans âme, délesté de la moindre Lifeforce (1985).
Peut-on accoucher d’un chef-d’œuvre
et ensuite s’en remettre ? Welles l’assure, rassure, Hooper, appelons ceci
sa malédiction critique, dut sans cesse se confronter au fantôme de
Leatherface, élabora une filmographie souvent sous-estimée, qui ne méritait pas
de se terminer comme ça, ratage qui mine l’amabilité, qui se trouve in extremis
dédié in loving memory au
co-producteur décédé Tim Smythe, la vraie vie toujours imitatrice de la
fiction, fastidieuse ou non, souffle Wilde à son Gray portraituré. Suivant
l’heure et l’humeur, on pardonne au sieur Hooper, alors septuagénaire fatigué,
autrefois révolutionnaire désargenté, par Spielberg pasteurisé, ou l’on passe
vite à autre chose de moins morose, on évacue le simulacre au profit des
souvenirs, on se satisfait de sa foi d’athée, on mise sur une future rencontre,
cette fois féconde, entre deux mondes désunis à dessein, par des assassins et
des politiciens, presque pléonasme, qui, eux, ne croient en rien, ni à la
solidarité, ni au ciné, hors leur sorcellerie sinistre, systémique, alchimie de
misère(s) à exorciser maintenant, manifestation autorisée ou interdite, leur
messe noire de manitous ripoux enfin dite.
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