The Crying Game : Who’s That Girl
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Neil
Jordan.
Une fête foraine défaite, une
étreinte dite interraciale, une amitié maudite : The Crying Game
(1992) débute bien, se souvient du bestiaire doux-amer d’Orson Welles (Mr.
Arkadin,
1955), utilise le son à bon escient, écoutez l’hélico encore invisible puis de
coda explosive. Divisée en deux temps équidistants, la suite ne démérite, mais
l’estimable mélodrame militaro-sentimental de Jordan, certes non démuni de
tendresse et de finesse, d’amour et d’humour, n’essaie une seule seconde de
transcender son sujet, disons son homme-objet, se contente d’illustrer de façon
soignée, convaincantes compositions en widescreen,
sa chronique dramatique et drolatique à base de séduction, de dessillement, de
pardon, d’emprisonnement. Si l’on souhaite le vertige (re)connaître, celui des
sens, de l’essence, des identités sans cesse dotées de ductilité, sinon de
duplicité, on se doit de (re)voir fissa M. Butterfly (David
Cronenberg, 1993), opéra intime terminé en déprime, superbe opus rempli de poétique, de politique, d’exotisme,
de solipsisme, de « principe de plaisir » désespéré par le « principe
de réalité ». The Crying Game ne se situe à ces hauteurs, ne valide ces
valeurs, ne sort jamais du domaine rassurant plutôt que troublant d’une romance
à la fois masculine et mainstream,
d’une love story par procuration, en réponse au décès prématuré, précipité,
d’un soldat anglais piégé, kidnappé, ah l’IRA, à chacun sa « foi »,
en effet. Fergus croit au combat, « volontaire » guère austère, il
écoute aussi les contes, s’interroge sur leur sens, il va en vivre un, conte de
fées de surféminité, presque parfait, in
fine imparfait, planquez ce pénis que
je ne saurais saisir, la « bite » de l’otage soulagé suffit, pardi. Molto
homo, le bon samaritain tout sauf mesquin ? Pas un brin, davantage un
rêveur pourvu d’un cœur, carburant à la culpabilité, vite rattrapé par son
proche et moche passé.
Avec sa vraie-fausse coiffeuse délicieuse,
malheureuse, harcelée à cause d’un ex au
cou cassé, au fond inoffensif ; avec sa blonde et rousse terroriste et
némésis entreprenante et insistante, impitoyable et insoupçonnable, criblée des balles du suave mâle, The Crying Game
assume une forme de misogynie soft,
cartographie un territoire mental et létal où les femmes, en tout cas « certaines »,
posent des « problèmes », où la meilleure d’entre elles s’avère en
définitive un joli et gentil travesti, eh oui. Récit initiatique de triple
traversée, celle de la mer, des apparences, de l’hétérosexualité, The
Crying
Game,
métrage aimable et mineur, émeut de manière homonyme, prend en trois moments la
mesure et la stature d’une supposée « nature » paraissant donnée,
fixée d’avance. Le divertissement limité, difficilement financé, multiprimé, oscarisé,
à succès critique, économique, consensuel et non scandaleux, qui pouvait se
transformer, sous des yeux audacieux, en réflexion en action(s) au sujet des
êtres, des sexes, des songes et des mensonges, cf. le Cronenberg, demeure
néanmoins digne d’être (re)vu, car bien servi par un casting impeccable, mentions spéciales au quatuor en or que composent Jaye Davidson & Forest Whitaker,
Stephen Rea & Miranda Richardson, bien musiqué selon la subtile et douée Anne Dudley. L’homme est une femme comme les autres (Jean-Jacques Zilbermann,
1998) ? L’auteur des pareillement intéressants et insatisfaisants Angel
(1982), La Compagnie des loups (1984), Mona Lisa (1986), Entretien avec un vampire (1994), À vif
(2007) ou du raté Le Garçon boucher (1997) semble le dire, en convenir, via son histoire à tiroirs, à miroirs, à
double plan débullé de basculement souligné, moralité romantique et pudique, plus que tragique et fatidique. Au jeu dangereux des armes à saisir, des larmes
à verser, Neil Jordan joue gagnant et perdant, stimulant et décevant.
"Pas un brin, davantage un rêveur pourvu d’un cœur, carburant à la culpabilité, vite rattrapé par son proche et moche passé." reflet en forme d'écho de téléfilm :
RépondreSupprimerUn mauvais garçon 2019. https://www.youtube.com/watch?v=FlOoVYuPLdg
https://mcronenberg.wordpress.com/2016/06/22/homme-invasion/
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