Le Fils de Spartacus : Centurion
Divertissement régressif ? Parabole pas frivole…
Péplum
politique, pardon du pléonasme, opus (dé)placé
en Égypte, surprise symbolique, Le Fils de Spartacus (Sergio
Corbucci, 1962) ne capitalise sur le succès de Kubrick Stanley (Spartacus,
1960), possède sa sienne personnalité, dialogue avec d’autres. Comme Moïse
& Ben-Hur, Randus doit se rendre à l’évidence de ses véritables origines
dérangeantes, il doit aussi assumer un messianisme ensablé à la Dune
(David Lynch, 1984) et l’épée paternelle, posée sur un mausolée en plein
soleil, sur laquelle se termine le film, annonce celle de Conan le Barbare (John
Milius, 1982), encore un conte pas con d’émancipation, de dessillement d’antan,
d’éveil cruel des consciences enfin au courant, de l’absurde asservissement
romain, du bien nommé Thulsa Doom du sinistre venin. Réel réalisateur, l’auteur
de Romulus
et
Rémus (1961), Django (1966), Le Grand Silence (1968)
compose chaque plan, manie la double focale à la De Palma, tire le meilleur
parti du massif Steve Reeves, disant ici adieu à une familière imagerie. Quant
au fidèle DP Barboni Enzo, qui bossa en sus au côté de Caiano (Les
Amants
d’outre-tombe,
1965 ou Un train pour Durango, 1968), bientôt rebaptisé E.B. Clucher,
Hill & Spencer font en effet la paire, il visualise en virtuoso une scène
marine en studio, brumeuse, mystérieuse, d’écueil rencontré illico, éclairé aux flambeaux. Le
centurion un peu espion, au service de César, au sévice de Crassus, lui-même
friqué en écho à Crésus, se mouille, au propre, au figuré, dérouille, casqué en
mode comics, surtout ceux de Stan
Lee, longtemps avant l’épuisant panaméricanisme en collant de maintenant,
conquiert le cœur d’une esclave suave, une amulette lui monte à la tête, une
utopie s’impose à lui, il désespère des mercenaires, il écœure Claudia,
altière, suicidaire. Zorro et son Z, quel zèle, son S et de Spartacus le fiston,
quel unisson !
Dédoublé, pas divisé, parfois
remplacé par l’ami de Germanie, clone
costaud à la capillarité (dé)colorée, Randus déteste les mortelles murènes,
(r)assure l’insurrection de saison, contre la décrétée crucifixion, se fait
coincer, démasquer, emprisonner. L’adversaire défait périt presto du personnel
péché, le voici contraint d’avaler de l’or fondu, supplice d’objectif en point
de vue, le fétichiste de Fleming s’en pourlèche les babines (Goldfinger,
Guy Hamilton, 1964). Arrivé à la rescousse, le pragmatique et peut-être
mélancolique César gracie in extremis le leadeur majeur, condamné à
contrecœur, soutenu à plusieurs, possibles sacrifices en série – à quoi bon dominer
un cimetière, mon frère ? L’arme démocratique servira donc à l’identique,
celui qui la maniera, sus à l’oppression, en toute occasion, fils de Spartacus
s’appeler pourra. Tout ceci, Sergio Corbucci le filme avec maîtrise et style, ne
prend personne pour un imbécile, nous donne une leçon de cinéma davantage
qu’une leçon de morale moralisatrice, voire de révisionnisme communiste.
Pertinent péplum et point pesant pensum, Le Fils de Spartacus mérite
une numérique exhumation et mes sincères salutations, spectacle jamais
patraque, fable affable, réflexion en action(s) sur l’individu et le collectif,
l’héritage et les outrages, le hasard et le destin, les (en)chanteurs ou
désenchantés lendemains. Doté d’un casting
choral impeccable, mention spéciale à l’aristocratique Gianna Maria Canale,
assorti d’un sens de l’espace imparable, ce métrage d’un autre âge (nous) parle
au présent du doux tourment de la problématique, sinon fantomatique liberté,
montre des corps et des esprits insoumis, louange la clémence, ne ressasse le
ressentiment rance. Du haut de sa tête,
du haut de ses siècles, le Sphinx sourit, se fiche de nos soucis, fiançailles
et funérailles de grains de sable fréquentables ou indéfendables, en vérité ou
au ciné…
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