Miraï, ma petite sœur : Le Pays des enfants sages
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Mamoru
Hosoda.
« C’est long » déclare Kun
au début – on confirme, on déprime… Ce que j’écrivis jadis au sujet du roman
homonyme, je pourrais le reprendre mot à mot à propos du film. Aujourd’hui je
rajoute ceci : se dupliquent les génériques, boucle bouclée de temps
passé, repassé, « scellé » (Tarkovski, oui), en accéléré, comme se
répondent les panoramiques verticaux à répétition, topographie jolie, les trois
travellings circulaires presque en
plein air, autour du marmot planté au milieu du patio, bouche bée devant l’arbre bientôt défini en « index » familial, feuillage-fichier, tel
celui d’une « bibliothèque » désormais bien obsolète, puisque Miraï,
ma petite sœur (Hosoda, 2018), outre le fait qu’il se répète, constitue
de facto une chronique simplette, quasi
à sketches, une « comédie de
situation » et un traité d’éducation, alliage redoutable, qui ne semble
pas conscient, en illustrant sa (recon)quête d’amour assez dégoulinant, sis du côté
de l’écœurant, de la prise en compte de deux réalités, personnelle et
plurielle, là-bas et ici. Primo, un
individu, surtout sur le seuil de sa vie, ne se réduit à sa lignée, à son pedigree, à son inscription, sinon
insertion, au sein d’un tracé (pré)déterminé ; il se socialise, pas
seulement à vélo, il évolue au quotidien en interaction avec son décor,
extérieur et intérieur, dialogue dialectique, à moitié maïeutique, perception
selon une sensibilité décuplée, que l’animation et les couleurs pasteurisées,
ripolinées, de l’item peinent à
dépeindre, à feindre. Secundo, le
modèle hétéro, encore majoritaire, le papa, la maman, les enfants, les (arrière-)grands-parents,
tu m’en diras tant, ne représente plus la norme, la normalité, l’horizon
sacro-saint, consacré, même si, pas question de contester cette liberté,
davantage d’en souligner une forme de conformisme assumé, il représente
l’essentiel, pour plusieurs couples homosexuels, amen.
On (m’)objectera qu’il s’agit d’une
fictive et fictionnelle, à fond édifiante, autobiographie, toutefois pareille
autarcie, frisant l’asphyxie, finit par peser, par indisposer, à l’instar des
crises cycliques de la « tête à claques » asiatique. En résumé, Miraï,
ma petite sœur fait du surplace, en matière de narration, d’émotion, d’expression, sa morale malingre, sa (supposée) portée pédagogique, ne volent point
plus haut que la minote et le minot, toute ressemblance avec La
Traversée
du temps (Hosoda, 2006) tout sauf une coïncidence. Délesté du moindre
enjeu un peu dangereux, du moindre pas de côté à l’écart du programme imposé, c’est-à-dire
(ré)apprendre à (s’)aimer, à partager, dire adieu à la jalousie, aux tensions
conjugales, vive la solidarité démultipliée, vive la parfaite imperfection
familiale, le métrage, dommage, devient vite une douce leçon de dressage,
propice à séduire les émules de Collodi et compagnie, de son pantin puni, tant
pis pour la transposition libertaire de Luigi Comencini (Les Aventures de Pinocchio,
1972). L’enfance, à Yokohama ou en France, possède pourtant sa sauvagerie, au
propre, au figuré, bien dessinée, ressentie, par Les Enfants loups, Ame et Yuki
(Hosoda, 2012), justement, son imaginaire s’assortit d’obscurité, de lumière.
De ceci, le film en définitive se fiche, il ne vise qu’à convaincre des vertus
de la bien nommée « cellule » familiale, sociale, nationale, de la
reproduction (sens duel) au/du Japon, voire de la soumission à la Macron,
non ?, de quoi fissa transformer L’Enfant sauvage
(François Truffaut, 1970), en dépit de son didactisme historiciste, en parangon
d’émancipation. Demeurent cependant des secondes d’instants intéressants, par
exemple une neige surprenante, une buée vitrée, au carré, petites pépites
poétiques et physiques enfin affranchies, ou alors le lyrisme en sourdine, à la
mode masculine, d’une virée vintage
en moto, cachez les chevaux, déjà le meilleur chapitre du livre.
Avant de monter à bord du train
rural, mental, pas réservé aux propriétaires d’un « passe sanitaire »,
Kun s’aperçoit sans se voir, sans le savoir, adolescent absent et présent,
discret, dompté, lui demandant le plus important, son short jaune, ses souvenirs à venir – Miraï, ma petite sœur,
regret à regret de votre serviteur, longtemps
n’occupera le creux du cœur, car conte d’« angiome » à la gomme plutôt que réussite initiatique.
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