Quantum of Solace
Un métrage, une image : Call Me (1988)
Appels anonymes à connotation coquine
+ témoin traqué du meurtre d’un travesti = vrai-faux « thriller érotique »,
nouvel épisode à New York de la douce-amère « guerre des sexes ». Écrit
et co-produit par l’obscure Karyn Kay, elle-même victime d’un fils épileptique,
fichtre, réalisé par le méconnu Sollace Mitchell, Call Me congédie Blondie (American Gigolo, Schrader, 1980),
repose sur les épaules d’une journaliste brune, la Patricia Charbonneau à fleur
de peau de Un flic dans la mafia. L’article sur le harcèlement
sexuel et sexué au boulot, à domicile, vire vite vers l’enquête existentielle,
la découverte du désir à distance, d’accoutumance. Le voleur vengeur évoque sa « gonzesse »
dézinguée, se fiche de la « femelle », l’insulte d’un « sale
pute ». Le couteau à cran d’arrêt, forcément phallique, du cadavérique
Buscemi coupe la gorge du policier corrompu, qui tabassait le type déguisé,
décédé, lui crachait un explicite et rhétorique : « Tu vois une femme
ici ? » Quant au petit ami en titre, pas d’émoi avec toi depuis un
mois, fréquenté en « solution de facilité », il ne croit au réalisme
de l’onanisme, imagine de sa muse un subterfuge, ne pars pas, s’il te plaît. Si
la trivialité en plongée nous ramène à De Palma (Blow Out, 1981), si le rapport
à la nourriture nous remémore Hitchcock (Frenzy 1972), davantage Brass, une
orange d’échange substituée au citron sur le con, pardon, le « coquillage
marin » mallarméen, de Vices et Caprices (1987), si du
tissu immaculé, déchiré, rappelle Ténèbres (Argento, 1982), l’ouvrage ne veut rivaliser avec ces renommés aînés, sa valeur réside dans son
portrait de femme esseulée, excitée, sincère, déçue. À sa modeste mesure, assez
racée, pas racoleuse, la meilleure part de Call Me carbure donc à
l’épiphanie sidérante, en tout cas pour quelques mecs, de la profondeur infinie
de la « sexualité féminine », Freud opine, anticipe ainsi celle de Eyes
Wide Shut (Kubrick, 1999). Stanley filmera Nicole Kidman de face, la
caméra de Mitchell panoramique et montre au miroir Anna en train d’haleter, au
téléphone de voix d’homme, à la Rossellini (Amore, 1948) & Demy (Le
Bel Indifférent, 1957), molto Cocteau, à sa main au creux de ses
cuisses accrochée, image mirage de masturbation mélancolique. Jamais malsain ni
puritain, misogyne ou infantile, Call Me parvient à capturer, à
côté de sa coda industrielle et bleutée, esthétique du temps d’antan, Freddy
(s’)en (ré)jouit (Les Griffes de la nuit, Craven, 1984), quelque chose de
l’ordre de l’intime, l’illusion, la déception, de la mauvaise foi, du don de
soi. À la fin du film, l’héroïne efface le nouveau numéro, cadeau du décoloré McHattie,
ne répond à la sonnerie de la nuit, appel de cabine non de fille publique.
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