Épouvante sur New York

 

Un métrage, une image : L’Ambulance (1990)

Un dragueur, une diabétique, un moustachu, une automobile : modèle d’écriture, de séduction ludique, de tension dramatique, de caméra quasi cachée, l’ouverture de L’Ambulance condense le ciné de l’amical Larry Cohen. La suite ne démérite, revisite de jour et de nuit le mythe d’Eurydice & Orphée, le tisse au super-héroïsme de la BD, caméo en dirlo de Stan Lee inclus. Toujours inventive, constamment amusante, cette comédie noire s’assume en moralité faussement moralisatrice, voici ce que vous risquez si vous abordez dans la rue une inconnue, en effet. Porté par un Eric Roberts candide et physique, une Megan Gallagher à l’irrésistible rousseur, ponctué par la présence surprenante, patraque, verdâtre, d’Eric Braeden – recommandation maternelle ! –, depuis déjà dix ans pensionnaire du soap soporifique Les Feux de l’amour, par la prestance d’un James Earl Jones mémorable en flic jadis dépressif, en justicier vite esquinté, en train de trépasser, de mâchouiller, L’Ambulance se base sur une pratique et un trafic peu déontologiques, les mélange à du journalisme gérontophile, à du romantisme effréné, dessillé. Cohen arrive ici en fin de carrière, en tout cas derrière la caméra, pas à court d’inspiration, oh non, il écrira ensuite les scripts des Maniac Cop 2 et 3 (1990 et 1993) de Bill Lustig, de L’Avocat du diable (1993) de Sidney Lumet, de Phone Game (2002) de Joel Schumacher puis de Captivity (2007) de Roland Joffé, olé. La cinquantaine passée, il délivre un film libre, un divertissement jamais dépassé, décérébré, une course-poursuite ironique, tout sauf futile, cynique, désenchantée, cf. le final baiser des amants malmenés, immobilisés, emmenés vers de meilleurs lendemains au moyen d’un véritable véhicule médical, plus infernal. Bien éclairé par Jacques Haitkin, familier des Freddy, collaborateur de Craven (Shocker, 1989) & Sholder (Hidden, 1987), L’Ambulance se moque gentiment de certains médecins malsains, de Christine (Carpenter, 1983) un brin se souvient, casse comprise, parfois évoque Hitchcock, celui de La Mort aux trousses (1959), autre item très rapide, davantage de picaresque et sentimental espionnage. Il s’agit aussi d’un récit d’initiation, d’un conte d’éducation, au terme duquel le protagoniste intrépide et lucide semble avoir grandi, désormais digne non plus seulement de dessiner des femmes fortes et fréquentables mais d’en embrasser une réelle, belle et rebelle, maternelle et sensuelle. Moins subjectif et catho que son confrère Scorsese (À tombeau ouvert, 1999), Larry Cohen filme souvent sans syndicale autorisation non pas une histoire de rédemption, plutôt un dessin animé live, un stimulant cauchemar anti-désespoir.

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