La Fin du monde : Notes sur le néant au ciné
Refrain de la fin, répliques apocalyptiques.
The
Universe is a plot of God
Edgar
Allan Poe Eureka: A Prose Poem (1848)
Déjà tard mais pas trop tard
À toi de voir à toi de croire
Téléphone Le Jour s’est levé (1985)
Le cinéma meurt demain et tu n’en
savais rien. Le cinéma meurt avec toi et nul ne le saura. Comme les belles
boisées endormies les films se réveillent et se raniment l’instant d’un baiser
visuel. Puis ils retombent dans l’oubli qui ne nous oubliera pas. Ainsi va la
cinéphilie jolie. Ainsi périssent les empires pas seulement de la tristesse
crus à tort éternels. De la poussière à la pellicule et l’inverse. De
l’évolution de l’espèce épuisante à la suppression de l’ensemble des données
disponibles. La Terre retrouvera sa virginité avant de s’évanouir mais plus
personne pour survivre et filmer le fondu au noir définitif. Déjà nous
sauvegardons nos restaurations sur des supports problématiques sinon promis à
la célèbre obsolescence programmée. Déjà nous perdons la mémoire du proche
présent et de l’indocile identité. Les grands hommes n’existent pas les grandes
misères si. Les siècles se succèdent et ne font pas sens par conséquent folie
de penser que le ciné puisse contredire l’essentielle absurdité. Par contre il
permet d’imaginer de mettre en images de repousser d’apprivoiser le piètre
destin certain. Disons que les années 10 et 40 connurent de près
l’anéantissement donc ne surent ni voulurent le montrer voire revivre à
l’écran. Rappelons qu’Abel Gance signa sa Fin du monde scientifique œcuménique
en 1931. Prenons ensuite sept décennies et retraçons en vitesse l’historique
d’un motif fatidique.
Inutile de remâcher moult titres autrefois
évoqués ici ou ailleurs à savoir Robot Monster (Phil Tucker 1953) La
Jetée (Chris Marker 1962) Le Mystère Andromède (Robert Wise
1971) Silent Running (Douglas Trumbull 1971) Mad Max (George Miller
1979-2015) Stalker (Andreï Tarkovski 1979) Café Flesh (Francis Delia
& Stephen Sayadian 1982) Les Guerriers du Bronx + Les Nouveaux
Barbares (Enzo G. Castellari 1982) Halloween III : Le Sang du sorcier
(Tommy Lee Wallace 1982) The Thing (John Carpenter 1982) Independence
Day (Roland Emmerich 1996) La Fin des temps (Peter Hyams 1999) Wonderful
Days (Kim Moon-saeng 2003) Le Jour d’après (Roland Emmerich,
2004) Apocalypto (Mel Gibson 2006) The Last Winter (Larry
Fessenden 2006) Southland Tales (Richard Kelly 2006) Aftermath : Les Chroniques de
l’Après Monde (Christopher Rowley 2008) 4 h 44 Dernier jour sur Terre
(Abel Ferrara 2011) Take Shelter (Jeff Nichols 2011) En attendant la mer (Bakhtyar
Khudojnazarov 2012) Le Mur invisible (Julian Roman Pölsler 2012) Oblivion
(Joseph Kosinski 2013) Snowpiercer, le Transperceneige
(Bong Joon-ho 2013) The Station (Marvin Kren 2013) Noé (Darren Aronofsky
2014) The Whispering Star (Sono Sion 2015) The End (Guillaume
Nicloux 2016) Homo Sapiens (Nikolaus Geyrhalter 2016) Cargo (Yolanda Ramke
& Ben Howling 2017) et Sans un bruit (John Krasinski 2018).
La fin filmée revient avec régularité
la fin revient au même. Elle fait dialoguer individu et collectivité elle
témoigne de son temps elle va de l’avant. Elle associe pacifisme et xénophobie
crainte de l’atome et paranoïa personnelle. Souvenez-vous s’il vous plaît du Jour
où la Terre s’arrêta (Robert Wise 1951) de La Guerre des mondes
(Byron Haskin 1953 + Steven Spielberg 2005) En quatrième vitesse
(Robert Aldrich 1955) L’Invasion des profanateurs de sépultures
(Don Siegel 1956 + Philip Kaufman 1978 + Abel Ferrara 1994). Dix ans plus tard on
emmerde les Morlocks on chevauche la bombe H on déterre les morts on
s’agenouille devant la dépouille de la liberté on refuse de procréer. Rematez La
Machine à explorer le temps (George Pal 1960) Docteur Folamour (Stanley
Kubrick 1964) La Nuit des morts-vivants (George A. Romero 1968) La
Planète des singes (Franklin J. Schaffner 1968 + Tim Burton 2001) La
Semence de l’homme (Marco Ferreri 1969). Les seventies savourent la solitude légendaire le cannibalisme l’euthanasie
les fourmis affolantes un magicien d’Oz féroce un eugénisme d’état civil un
présage ancien australien l’Adversaire désormais adepte du nucléaire : Le
Survivant (Boris Sagal 1971) Soleil vert (Richard Fleischer 1973)
Phase
IV (Saul Bass 1974) Zardoz (John Boorman 1974) L’Âge
de cristal (Michael Anderson 1976) La Dernière Vague (Peter Weir 1977) Holocauste
2000 (Alberto De Martino 1977).
Si la Grosse Pomme se réduit dorénavant
à un ghetto pourri la Nouvelle-Zélande ressemble à un no man’s land expérimental triangulaire à planète annulaire et aux
USA des rescapés pas si sympas se terrent au sein d’un silo militaire. Au Japon
la jeunesse déprime s’extermine et à Taïwan la pluie infectée accompagne des
chansons colorées. En Europe de l’Est ou presque le refuge de Hitler &
Gainsbourg voire de Caro & Jeunet accueille des dignitaires de dictature en
quête d’un inaccessible ersatz de Godot. Tout ceci se produit dans New
York 1997 (John Carpenter 1981) Le Dernier Survivant (Geoff Murphy
1985) Le Jour des morts-vivants (George A. Romero 1985) Akira
(Katsuhiro Ōtomo 1988) The Hole (Tsai Ming-liang 1988) Bunker
Palace Hôtel (Enki Bilal 1989). Le souci écologique et martial perdure
la décade suivante. Des gorilles d’asile déboulent parmi les restes d’Orly
escortés par le love theme de Vertigo (Alfred
Hitchcock, 1958) de quoi beaucoup énerver une certain Kim Novak. Snake Plissken éteint tout. Sereine en latex Carrie-Anne Moss joue les Eurydice
ou davantage les Béatrice pour ce benêt de Neo enfin déniaisé de
l’illusionnisme numérique chic. Vous ne croyez pas votre serviteur et ses
réminiscences de cinéphile alors allez voir ou vous faire voir Rêves
(Akira Kurosawa 1990) L’Armée des douze singes (Terry
Gilliam 1995) Los Angeles 2013 (John Carpenter 1996) Matrix (Andy & Larry
Wachowski 1999-2003).
Le millénaire s’achève au milieu des
macchabées de Land of the Dead (George A. Romero 2005) lutte des classes tout
sauf dégueulasse assortie d’une Asia Argento tatouée mais certes moins amusante
inoffensive que la coexistence souriante et vintage
de Fido
(Andrew Currie 2006) Mademoiselle Moss à nouveau saluée pour ainsi dire à la
Douglas Sirk. La stérilité fait retour mon amour selon Les Fils de l’homme (Alfonso
Cuarón 2006) et son plan-séquence automobile de m’as-tu-vu. En 2008 Michel
Houellebecq s’auto-adapte mal lui en prend cf. le transparent et languissant La
Possibilité d’une île tandis que John Hillcoat transpose de manière
scolaire funéraire le picaresque et ogresque roman de Cormac McCarthy en
prenant La Route (2009). Les ressuscités affamés investissent cette
fois-ci un parc d’attractions à l’occasion de l’assez con Bienvenue à Zombieland (Ruben
Fleischer 2009) et se réchauffent façon Roméo & Juliette suivant le sentimental
Warm
Bodies (Jonathan Levine 2013). Notoire illustrateur arty pas une seconde héritier de
Tarkovski de baise funeste à proximité de machine à laver en NB au ralenti
amitiés dessalées transalpines au Ruggero Deodato de The Washing Machine
(1993) le Lars von Trier de Melancholia (2015) se prend pour
Robert Altman et plutôt que Pieter Brueghel l’Ancien remémore le matamore
Stanley Kramer jadis auteur du Dernier rivage (1959) boucle
bouclée.
Voici la fin mon bel et unique ami
susurrait naguère Jim Morrison pas encore annexé détourné par le Francis Ford
Coppola de Apocalypse Now (1979) film de finitude et de béatitude sur fond
de Vietnam en flammes. Quelle fin nom d’un chien de Mondo cane (Paolo Cavara Gualtiero
Jacopetti Franco Prosperi 1962) ? La fin des hostilités de l’hégémonie du
psychodrame œdipien du voyage intériorisé en réponse à l’appel du blue bus
des portes de la perception ? La fin ramène au début il suffit de
rembobiner de se mordre la queue Ouroboros en VHS. La fin ne cesse de survenir
de nous fuir avertissement et marronnier. La fin déploie le défaitisme et
redonne espoir en l’altruisme. La fin du film vécu au quotidien tout le monde
la connaît chacun regarde des films afin de détourner le regard le soir de
l’impensable de l’irreprésentable de l’envisageable grâce au ciné. En vérité
subjective en six paragraphes brefs la fin commence maintenant dès ta naissance
soustraction de cellules érosion irréversible. Lorsque tu jouis lorsque tu dors
lorsque la fatigue ou les soucis te dévorent tu goûtes au néant tu te
transformes en absent tu évolues dans un espace-temps différent. Quand la glace
te renvoie ta face en pleine face tu sais que tu disparais escamoté à la
Richard Matheson relisez mon texte sur Escamotage (Guillaume Foresti 2017).
Ta fin on s’en fout cela te sied te repose ne te laisse sur ta faim my friend.
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