Bad Samaritan : Les Voleurs
Ou le Faucon et le Bonhomme de neige, en hommage à John Schlesinger…
Le tueur (en série) ne comprend pas
le sauveteur (de hasard), « énigme » d’altruisme ; ceci et bien
sûr sa capacité à occire (des parents, de préférence des femmes) différencient
les deux hommes, pas seulement : au premier la Maserati, la villa à la verticale, les terres et la
fortune paternelles ; au second la vieille Volkswagen, la piaule sous le
toit, la carte verte d’Irlandais. Cet hiver, à Portland, la lutte des classes
passerait donc par le supposé torture
porn ? Presque, puisque l’arrogant
propriétaire retient prisonnière dans son repaire l’une de ses conquêtes à la
pelle, la malmène. Le prologue, à faire pleurer Friedrich Nietzsche, le voyait
gamin en train de fouetter un cheval, de lui tirer dessus ensuite, en dépit des
cris de la dresseuse, elle-même réduite au silence, tu penses. David Tennant,
qui semble beaucoup se divertir à profaner sa panoplie very clean de Doctor
Who,
arbore des faux airs d’Anthony Perkins et pourrait aisément, à son tour, se
débarrasser de son adversaire sous la douche, amitiés humides à Marion Crane.
Mais non, il jubile à jouer au chat et à la souris, comme l’adolescent et le nazi
de Un
élève doué (Bryan Singer, 1998), relecture atone d’une novella de
Stephen King (feuilletez Différentes Saisons), déjà signée par
le scénariste Brandon Boyce (caméo rigolo en man in black). Obsédé par le débourrage des
canassons, le « dressage » (en français de VOST) des bipèdes, Cale
Erendreich transforme fissa la vie du pauvre Sean Falco, convaincant Robert
Sheehan, en champ de ruines, son grand ami (terrifié de taule), sa petite amie (étudiante en économie), en font les frais très
élevés, à la morgue ou à l’hôpital. Il suffit d’une nuit pour que tout dévie,
que la combine de cambriolage débouche sur la rage. Thriller constamment élégant, beau boulot du directeur photo
australien David Connell, secondé (en Red) par le steadicam
operator Gary Camp, et plutôt
prenant, Bad Samaritan (2018) constitue en sus une moralité sur
l’humanité, démontre qu’un hors-la-loi ne manque pas de foi, ni de parole, ni
de courage.
La meilleure part du métrage certes trop
sage de Dean Devlin, producteur/scénariste à la TV, puis pour son complice
Roland Emmerich, notamment sur Independence Day (1996), aussi du
sympathique Arac Attack, les monstres à huit pattes (Elkayem, 2002), réside
ici, dans cette épiphanie sur fond de folie, dans cette décision qui engage
jusqu’à la survie. Après avoir découvert le Mal, tu ferais quoi, toi ?
Sean n’hésite pas, prêt à sacrifier sa propre liberté afin d’affranchir la
captive, à proximité du pire. Une désignée demoiselle en détresse, la compatriote
Kerry Condon ? Que nenni, davantage une survivante pragmatique, jamais
hystérique, par l’amertume point détruite. Et lors du final enneigé, réchauffé
par un beau morceau de Joseph LoDuca, régulier de Sam Raimi, itou compositeur
du Pacte
des loups (Gans, 2001) + Boogeyman (Kay, 2005), ressuscitée
de la fosse aux enterrées, elle n’achèvera pas son bourreau formé par Mengele,
elle se contentera, juste revanche, de l’asseoir à sa place, de ligoté, de
cinglé, en compagnie de son messie méconnaissable, défiguré, fracassé, qu’elle
semble soutenir et non l’inverse. Que le Britannique Peter Bradshaw, critique
relativement lucide, même entiché à tort du local et bancal Ghost
Stories
(Dyson/Nyman, 2017), puisse lire dans l’opus
inoffensif un sommet de misogynie à vomir sidère, en dit long sur l’actuel
climat de victimisation aveugle (et aveuglante). Je parlais plus haut de
moralité, je rajoute à présent que le film de Devlin, vraiment soigné, guère transcendant,
à la fois amusant et stressant, possède une réelle morale du regard, qu’il se
situe à des années-lumière du salace, du dégueulasse, du cynisme sexiste, du
marxisme de maternelle et du moralisme bien-pensant (pléonasme). Même le sein
subliminal de Jacqueline Byers s’avère viral, sert à établir l’un des moyens de
nuire contemporains, cf. la scène de l’amphi scientifique, théâtre de la
cruauté collective, médiatisée, mutique.
D’ailleurs, dès que le cerveau (de la
domo, de l’établi sado-maso, de la bombe sautant quand il faut) se retrouve
pris en photo, en direct sur le lieu du crime maquillé en parricide, matricide,
suicide, Carlito Olivero au sol, impasse de sang, dédicace à De Palma, le
spectateur le sait foutu, déjà perdant de l’affrontement à distance. À défaut d’être diabolique, disons
à la docteur Mabuse, à la Fritz Lang, Devlin croit aux personnages, aux
acteurs, aux actrices, engage son épouse, Lisa Brenner à lunettes, pour un mini
rôle familial. En deux jours et deux nuits, délimités par la cartographie, se
déroulent ainsi une tragi-comédie, un conte de fées pour adultes in fine mené par une femme du FBI, la tenace
et maligne Tracey Heggins, méritant mieux que le mépris, que le mal compris,
que le catalogage en camelote du câble. Conseillons de le visionner, au-delà,
de penser en solo, voire à contre-courant, d’évaluer de visu et non à partir de (malintentionnés) malentendus. Un film
de maltraitance et de complaisance ? Un film de bienveillance et de
résistance.
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