Images : Oh, Susanna!


Bal(l)ade irlandaise ? Enfantillages et fadaises…


À Franck Ferreira, affaire de faux hasard

En 1972, à Dublin, Robert Altman se renie à demi. Il évacue le choral, il conserve le théâtral. Drame de chambre, à coucher, à photographier, Images dure cent longues minutes et s’achève par une chute, au propre, au figuré. Sous sa douche à la Psychose (Alfred Hitchcock, 1960), l’héroïne pousse un cri prolongé par les percussions ponctuelles, stridentes, et la cascade rurale, renversant le mouvement ascendant, reprenant le plan en grue descendante du début, dévoile le véritable cadavre, celui du mari transi. Quand la gamine, aux faux airs de sœurette, lui demande comment elle-même s’occupait à son âge, sa « meilleure amie » lui répond qu’elle se racontait des histoires. Adulte, elle continue, elle passe son temps à cela, et Altman filme en mode méta son imagination en effet « délirante », son solipsisme de saison, automne d’intériorité, d’amours endeuillées. L’actrice écrivain nous sourit par deux fois en regard caméra, près d’un appareil photo, dans son auto. Autour d’elle, le réel se reflète, à défaut de donner à réfléchir. Carillons et miroirs scandent le puzzle sensoriel, jamais existentiel. Portrait de femme imparfait, à propos de licorne d’histoires pour la jeunesse et de cornes d’histoires de fesses, Images assoupit davantage qu’il séduit, avec ses accessoires scolaires et son mystère bien trop clair. Plutôt qu’à Ingmar Bergman & Roman Polanski, voire à Joseph Losey, totems placés à une autre altitude, on peut penser au Mario Bava des Trois Visages de la peur (1963), le premier segment, avec Michèle Mercier, en matrice apocryphe d’appels téléphoniques anxiogènes, de culpabilité réfractée, de dédoublement accidentel. Et la comparaison transalpine, tant pis pour les fans d’Altman, ne se fait guère en faveur du cinéaste US.

Se baser sur un scénario insatisfaisant, y compris pour les intéressés, s’amuser avec des prénoms, revient vite à tourner en rond, à répéter le thème et les variations de la phénoménologie jolie, sa versatilité supposée féminine, comme si le Bill Lee du Festin nu (David Cronenberg, 1991), n’hallucinait pas à son tour son exotisme à la fois créateur et destructeur d’auteur tourmenté, meurtrier. Déséclairé par Vilmos Zsigmond, musiqué par John Williams, incarné, au sens fort du terme, par une Susannah York irrésistible, divisée, dissociée, pas rétive à la frontale/dorsale nudité, aussi épanouie et puissante que, disons, une Helen Mirren, sa compatriote jadis déshabillée-cuisinée par Peter Greenaway selon The Cook, the Thief, His Wife & Her Lover (1989), incidemment interprète primée à Cannes, coulé par la Columbia & Hemdale, Images refroidit lorsque Gosford Park (2001) réchauffe, alors que The Player (1992) indiffère. Des images mentales aux images de cinéma, il suffit d’une voix off, de surcadrages en Scope, de panoramiques à l’identique, bonne séquence du drolatique triptyque sexuel. Chez Vinci, on s’en souvient, Adam & Dieu paraissent se toucher du bout du doigt, en vérité séparés par leur statut esthétique et mystique ; chez Altman, Cathryn ne saurait effleurer idem son French Lover de René, alias l’impeccable Marcel Bozzuffi, par ailleurs spectre gai, ensanglanté, sinon suicidaire, et cette rencontre impossible des chairs, à travers l’espace et le temps perçus, juxtaposés, en point de vue subjectif, paraphe à l’insu de son plein gré l’échec du film, sa dématérialisation assez stérile, empreinte de freudisme fellinien, je vous renvoie vers Juliette des esprits (1965).


Cependant, pour l’aura et le talent de la regrettée Mademoiselle York, également patiente de Freud, passions secrètes (John Huston, 1962), maman de Superman (Richard Donner, 1978) ou vétérane de Visitors (Richard Franklin, 2003), on ne raccroche pas, on se laisse tenter, on accompagne jusqu’au bout cette pauvre petite fille riche, chimérique, à fric, à fantasmes, à folie, muse de psychanalystes cinéphiles et inversement. Bobby ? Suzy !

Commentaires

  1. Tant qu'à faire de parler de monde schizophrène anxiogène...
    Ready to Wear (1994) Official Trailer - Sophia Loren, Julia Roberts Movie HD
    https://www.youtube.com/watch?v=ENrpGFroUbw

    RépondreSupprimer
  2. Short Cuts, les Américains (1993) bande annonce
    https://www.youtube.com/watch?v=YXmaSJZOKlg

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir