Hellraiser, Hellraiser II, Hellraiser III, Hellraiser IV : Descente aux enfers
Tête d’épingle trentenaire pour tétralogie jolie.
Hellraiser : Julia
En 1987, Clive Barker propose un
premier opus sympathique. Outre poser
les fondations infernales d’une franchise
interminable, à base de SM très spécial, Le Pacte, sous-titre français trop
faustien, s’avère avant tout un vaudeville incestueux, aux maquillages dotés
d’une enviable organicité, disons à la Lucio Fulci. Récit d’adultère entre
frères, d’émancipation adolescente, de résurrection obsédante, le modeste métrage,
dans l’ensemble assez sage, se déroule à domicile, en huis clos, dispose d’un
prologue et d’un épilogue de boucle bouclée, dont l’orientalisme et
l’homoérotisme annoncent Le Festin nu (1991) à venir de l’ami
David Cronenberg. Entre-temps, même si le mari se déleste de statues de saints
estimées « kitsch », la Margaret White de Carrie (Brian De Palma,
1976) bien sûr se récrie, l’auteur, originaire de Liverpool, semble
retravailler le mythe de la boîte de Pandore et la parabole d’Abel & Caïn.
Conte de fées pour adultes, Hellraiser pourrait se résumer à un
duel au féminin, opposant une marâtre tueuse en série et une orpheline au bord
de l’hystérie. Davantage que chez les Cenobites, pas encore iconiques, quoique,
le cœur du film, sis sous le sol, battant du nouveau sang d’accident, réside au
sein du personnage de Julia, que Clare Higgins, issue de la scène, tendance
Tennessee Williams, incarne avec une séduisante évidence. Souvent drolatique,
assurément britannique, car portrait en creux d’une sexualité interdite,
réprimée, déchaînée, chaînes conjugales ou suspensoirs d’abattoir, substituée à
la conscience des classes sociales, habituel filigrane de la filmographie
nationale, ce chapitre d’introduction, d’exposition, implique itou un Andrew
Robinson « soumis » et apparemment guéri de la piqûre du Scorpio de L’Inspecteur
Harry (Don Siegel, 1971). Certes, des aiguilles d’un autre type l’attendent
à l’étage supérieur, assortis d’émissaires de plaisirs inconnus, presque en
mode Joy Division…
Hellbound : Labyrinthe
En 1988, Tony Randel signe une suite
tout sauf anecdotique. Le second monteur officieux du titre précité reprend
l’affrontement supra, ne s’en
contente pas, souligne la dimension du conte, réplique ad hoc, cartographie un territoire de désespoir, aux allures de
train fantôme fatal. Mieux : il inclue désormais une superbe écorchée, à
faire blêmir d’envie le Pascal Laugier du médiocre Martyrs (2008),
d’ailleurs un instant pressenti pour remaker le Barker, misère. La dernière
demi-heure de ce deuxième Hellraiser s’aventure ainsi où se
terminaient les mésaventures de la malmenée Morjana Alaoui, victime
métaphorique du gouvernement Sarkozy, ah oui. De l’asile mémoriel au royaume de
Léviathan, il suffit d’un plan, d’un passage peu euclidien, du scénario malin
de Peter Atkins. Pinhead se voit pourvu d’un pedigree dans l’armée, Kirsty croise la (dé)route d’une orpheline à
la Poltergeist
(Tobe Hooper, 1982), gamine mutique, amatrice de puzzles, aussitôt transformée en fil d’Ariane et sœur par
procuration. Film de femmes, Hellbound adresse des allusions à La
Fiancée de Frankenstein (James Whale, 1935), aux Yeux sans visage (Georges
Franju, 1960), à Shining (Stanley Kubrick,
1980) et à Labyrinthe (Jim Henson, 1986). Ashley Laurence, vrai-faux
avatar de la candide Jennifer Connelly, doit renverser un losange à tentacules,
improbable rencontre entre le monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace
(Kubrick, 1968) et le Docteur Octopus de Stan Lee & Steve Ditko. Tel un
gant pas si sanglant, l’imagerie se retourne et rend aux démons en latex leur humanité perdue, entrevue via leurs cadavres de mélodrame
identitaire. Visuellement stimulant, voire bavaesque, porté par une
distribution impliquée, mention spéciale à l’excellent Kenneth Cranham, Hellbound
remémore La Nurse (William Friedkin, 1990) par sa façon d’associer
confort et horreur, blancheur et ténèbres, réalisme et onirisme. Sur le totem
ultime, tournoyant, on guette la silhouette de Pazuzu…
Hell
on Earth : Scoop
En
1992, Anthony Hickox frise l’intox. Flanqué de son frérot James au montage, il nous entraîne dans
le sillage d’une journaliste de TV US, hélas privée de son papounet tombé au
Vietnam, diantre, (mal)heureusement revu en songe, sa fifille alors virginale,
rurale, en robe immaculée, ralenti à la Full Metal Jacket (Stanley Kubrick, 1987)
en sus. Surtout, il nous refait le coup relou de la schizophrénie de Clark Kent
dans Superman
III (Richard Lester, 1983) et délocalise le cadre du métrage, vite tourné
en Caroline du Nord, en dépit d’un plan de pont new-yorkais, de tours jumelles
guère éternelles. La boîte nocturne peut bien s’appeler The Boiler Room, rien
ici n’ébouillante, ne brûle, ne sidère par son audace, narrative ou graphique.
Mais Hell
on Earth réserve cependant quelques surprises, quelques réussites,
mélange Motörhead & Charles Trenet, olé, présage le carnage du Bataclan, en
donne à voir l’impossible hors-champ, s’interprète en drame paternel au carré, à
la truelle, tant pis pour la délicate Terry Farrell. Divisé, démaquillé, Doug
Bradley assure. La sculpture à la Bosch, exposée, rassasiée, rappelle l’arbre
aux faces de gosses suppliciés de La Nurse, bis. Ce troisième volet, un chouïa envapé, implique de surcroît un
caméo de Kirsty en vidéo, un queutard malabar baptisé d’après Marilyn Monroe, des
communications durant le sommeil, merci au Wes Craven des Griffes de la nuit (1984),
une parodie d’eucharistie, de christique crucifixion, passons, pardonnons, en
athée amusé, in extremis un immeuble capitaliste configuré sur le modèle du cube à
lamentations. Co-écrit par Atkins & Randel, co-produit/distribué par le tandem des frangins Weinstein, Harvey
jugé toujours fréquentable, Hell on Earth n’effarouchera point
les féministes, pacifistes ou pas, puisque à nouveau placé sous le signe du
supposé « deuxième sexe », la relation entre Joey & Terri mimant
celle entre Kirsty & Tiffany selon Hellbound. Qui persiste à penser
l’horrifique misogyne ?...
Bloodline : Le Jouet
En 1996, Alan Smithee imagine un film
mésestimé. Désavoué par ses propres créateurs, le maquilleur promu Kevin
Yagher, le réalisateur en renfort Joe Chappelle, réunis sous un transparent
pseudonyme de reniement, l’ouvrage, dernier sorti en salle, épisodes suivants
réservés au DTV, arbore pourtant de multiples qualités. La diégèse se déploie
sur trois siècles, histoire racontée, expérimentée, de malédiction, prédestination,
de filiation, de création et de destruction. Une station spatiale nommée Minos,
clin d’œil à Hellbound, abrite le descendant d’une lignée décisive, damnée,
qui mettra finalement un terme aux agissements pérennes de son meilleur ennemi
Pinhead. Gerry Lively, directeur de la photographie en poste sur Hellraiser
III, ressaisit les splendeurs européennes du siècle des Lumières, de sa
transposition au ciné, se souvient du gothique italien, tandis que Valentina
Vargas, jadis mémorable dépuceuleuse fougueuse de novice sidéré pour Le
Nom de la rose (Jean-Jacques Annaud, 1986), dorénavant auréolée de sa
beauté balzacienne, vénéneuse, insoumise, rivalise avec Barbara Steele, porte
le prénom de Michèle Mercier dans l’aimable série des Angélique (Bernard
Borderie, 1964-1968). Diabolique, miroité, le succube participe au combat
obscur, lumineux, achevé dans l’espace, à coup de glaces, de reflets funestes,
salvateurs. Retour rapide à la sensibilité sociale, critique de l’aristocratie
hexagonale, coupable d’occultisme et d’atrocités carnées, à faire passer Gilles
de Rais pour un ange républicain. Retour au building
de Hell
on Earth, portail infernal. On sacrifie des flics, auparavant des
aliénés, relisez Michel Foucault. On kidnappe un kid, on aperçoit un clone
de Cerbère. Bruce Ramsay, assuré, se triple, ignore encore sa participation à Ma
vie avec Liberace (Steven Soderbergh, 2013). « Dans l’espace,
personne ne vous entend crier » affirme Alien (Ridley Scott,
1979). Sur Terre, la douleur devint un délice…
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