Temptation : Rebecca
Rebecca, nuit de ma cinéphilie, foyer de ma rétine. Mon salut, ma prose.
Re-be-cca : les caractères discrets du clavier s’enfoncent pour
écrire, à trois, son prénom sur l’écran. Re. Be. Cca (courtesy of Nabokov, of course).
Dans Temptation (The
Right Temptation précise le titre original, citant une réplique fatale),
aka L’Ombre de la tentation
(en nos contrées), Rebecca De Mornay vit avec un cochon (lustré, dressé,
« trop mignon »), tel Clooney à l’occasion, joue les dindons (de la
fade farce sans effort), bon. Becky, rebaptisée Derian (McCall, comme la Dee
Dee de Rick le « chasseur »), bosse pour la retorse Anthea (prénom
antique de la sympathique et nonobstant machiavélique Dana Delany, appréciée
notamment en « femme au foyer désespérée »), elle suit puis séduit
(et réciproquement) son mari Michael, incarné par Kiefer Sutherland (« fils
de » assez insipide, ici déguisé en homme d’affaires acoquiné au « crime
organisé »). Loft improbable
(tournage à Salt Lake City, ersatz pasteurisé de New York), trauma professionnel d’ancien flic (« sous
couverture » en cuir noir, micro arraché, avec une coupe de cheveux courte
quelque part entre celles d’Annie Lennox et de Laurence Parisot), « ménage
à trois » prévisible au moralisme doublement puritain (l’arriviste in fine châtié, littéralement jeté du
haut de son ascension sociale balzacienne à travers sa grande baie vitrée de building ; le détective privé au
féminin, trop naïf et sentimental, trompé pour de vrai, accusé à tort) :
rien, dans ce DTV commis en 2000 par un certain Lyndon (pas Barry, pour sûr,
même si le casting inclus Patrick
O’Neal, progéniture de Ryan et père de ses deux filles) Chubbuck (publicitaire
dont le court CV comprend des participations à Un flic dans la mafia, Alerte
à Malibu ou Pacific Blue), ne vient vraiment aider Mademoiselle De Mornay.
Sur un scénario pâlot signé Larry Brand (L’Homme qui tombe à pic, Halloween:
Resurrection), Rebecca y croise Joanna (Cassidy, caméo éclair en
agent/démarcheuse du FBI), secoue (parfois au ralenti) sa chevelure
hitchcockienne et ouvre, sidérée, ses grands yeux bleus/gris dans la lumière
soignée du dénommé Eric Goldstein (DP de « deuxième équipe » sur Freddy
sort de la nuit ou Usual Supects), filmée en 35 mm et
au format 1.85.
Temptation date de 2000, il se situe donc au
milieu de la filmographie de Rebecca De Mornay, dix-huit ans après le coloré Coup
de
cœur de Coppola et seize années avant The Revenge de Chuck
Russell (l’un des auteurs de Dreamscape, madeleine proustienne
onirique, et le réalisateur des Griffes du cauchemar, troisième
volet réussi des sévices de Freddy) avec Travolta (n’oublions pas l’actuel Lucifer
pour la TV, d’après Neil Gaiman). Parmi les accessoires inanimés de cette
resucée paupérisée de polar hollywoodien d’antan (tendance thirties) – sempiternelle cigarette, voiture vintage, chanteuse de jazz
cacochyme, montre retrouvée, révélatrice, peinture contemporaine pour couple bergmanien, cadavre
défiguré d’emprunt, photographe en Adidas assassiné –, Becca évolue en
somnambule élue, en présence-absence, en spectre charnel d’un passé glorieux (Risky
Business + La Main sur le berceau). La De Mornay se sait-elle déjà
supérieure à sa carrière ? Le spectateur, surtout énamouré, espère en vain
(afin de se réveiller un chouïa, oui-da) un duo lesbien (en mode Les
Diaboliques
de Clouzot, allez) entre Dana & Rebecca, fausse piste diégétique de
proximité, de rapprochements, de décolleté flagrant, de mèche caressée durant
le téléfilm de luxe avare en luxure, malgré son intitulé racoleur. Il (lui)
faudra se contenter de peu, de tout ce pour quoi nous aimons tant Miss De Mornay : sa beauté, sa
personnalité, son talent, sa solitude, son énergie, sa folie, son sourire et sa
mélancolie. Peu importe, au final (bancal, calqué sur la coda de Vertigo
inversée) – Rebecca survivra (à cela), convaincra (les justes réticences),
vaincra (l’inutile résistance), tentatrice à laquelle on cède volontiers, les
mirettes fermées (le regard rivé à son visage vivant, captivant, à son intériorité
tourmentée de femme blessée, puisque les bien-portantes indiffèrent votre
serviteur, à sa silhouette offerte-dissimulée de svelte quadragénaire), le
souffle court (celui qu’elle peine à reprendre au miroir de ses propres fantômes).
Ah, chère Rebecca, si seulement tu savais l’effet que tu me fais…
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