Tel père, tel fils : L’Échange


Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Hirokazu Kore-eda.


Mon Dieu comme l’on s’emmerde à ce téléfilm manichéen, méticuleux, œcuménique, qui plut pourtant à tout le monde ou presque, notamment à Spielberg de passage à Cannes, tu m’étonnes, achat des droits du remake ricain inclus. Insoutenable suspense scénaristique : le père friqué, aussi froid qu’un sushi surgelé, va-t-il in fine comprendre, dessillé par son Petit Prince à lui, que le cœur compte davantage que le sang ? Saura-t-il surmonter son traumatisme d’enfance, dire maman à sa belle-mère hilare, sans chichis, dépasser le point de vue passéiste de son papounet peu respecté ? Les deux couples divisés par une fausse erreur médicale – ah, la garce d’infirmière repentie échangea les chiards à leur naissance, vengeance de classe et morale du ressentiment nietzschéo-marxiste, heureusement, cela nous vaudra quelques dommages et intérêts, philosophe le pragmatique géniteur régressif spécialisé en électro-ménager – parviendront-ils à faire fi de leurs différences, sociales, professionnelles, éducatives, pour se retrouver in extremis, se réinventer en famille élargie, recomposée, apaisée ? Bien sûr que oui, et seuls s’avéreront surpris ou ravis les décérébrés, les inquiets, les sensibles, tous ces gens demandant au cinéma de ne surtout pas les bousculer, de les consoler ad nauseam, de les réconcilier avec eux-mêmes et l’espèce criminelle, anecdotique. En chaque altruiste ricane un égoïste, en chaque humaniste sommeille un fasciste, alors sous le sentimentalisme du métrage se dissimule un cynisme aussitôt démasqué, avec ingénuité, lors de la coda lacrymale aux photos du marmot immortalisant les ronflements de son papa probablement impuissant, puisque chez ces gens-là, on ne baise pas, on respire à peine, on s’en remet à une sorte de conception immaculée, diégétique et théorique.



Le réalisateur, avec une arrogante honnêteté, met en abyme son dispositif scopique et révèle ses intentions d’histrion. Il ne s’agit pas d’un film adulte mais d’une dramatique démonstration digne d’une dramatique télévisée pour débat ad hoc, d’une leçon de morale paternelle assénée au spectateur international, à une silhouette – pas de personnage ici – dont la médiocrité sert d’étalon au reste des larrons. Quel salaud, celui qui ne pleure pas à l’édifiante parabole nippone, nantie d’un vernis de sociologie superficielle, formule pléonasmique. À l’attention des débiles, des paresseux de l’esprit, la dernière scène enfonce le clou du spectacle paupérisé, du message mou autour de l’amour supérieur à l’ADN, amen. Le père indigne, architecte de sa ruine, part à la poursuite de sa progéniture d’imposture, quémande son pardon, leurs chemins en parallèle et sur deux hauteurs opposées, le petiot en surplomb, évidemment, se rejoignent, l’homme et l’enfant s’étreignent – bon sang, beau comme du Jean-Jacques Goldman par Céline Dion, non ? Les épouses respectives se rapprochent, compatissent, Canon & Toshiba sponsorisent, un piano auteurise, Bach varié, s’il vous plaît, nonobstant l’opus anémique, désincarné, dilué dans son insipidité, peut serrer la main aux sinistres plaisantins Chatiliez & Spasojević, amateurs de vie en fleuve tranquille et de serbian film, autres histoires de familles (dys)fonctionnelles, tant le verrouille à double tour une roublardise en mode guimauve contraire et similaire à la satire publicitaire ou à l’horreur politique. Quand on cherche à faire rire, à choquer, à émouvoir avec une telle mauvaise foi, de si vilaines arrière-pensées d’intérêt, de déterminisme et de fric, on ne mérite que l’indifférence et à l’occasion un intitulé cliché chipé au service marketing de la Fox pour la sortie des mésaventures de Martin Brundle,  encore un rejeton à problèmes.


Survenu neuf ans après le superbe Nobody Knows, encensé par nos soins, Tel père, tel fils constitue pire qu’un naufrage déprimant, se lit en sidérant reniement. Mauvaise soirée de mauvais cinéma, tant pis, pas grave, voilà, on s’en remettra. 
         

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