La Mouche 2 : Martin


Insecticide ? Parricide.


Cette suite opportuniste et sincère, surprenante et ennuyeuse, inoffensive et perverse commence comme La Boum et finit comme Freaks. Accompagné d’artisans de talent, Chris Walas réalise une romance mâtinée de vengeance, à l’évidence destinée à un public pubère. A contrario du caractère adulte du Cronenberg, le remake d’un ersatz des années 50 sorti en 1989 se savoure, voire déçoit, tel un drame œdipien. Dans le sillage de Spielberg, Richard Donner ou surtout Joe Dante, notre émérite spécialiste des effets spéciaux portraiture une enfance orpheline et une adolescence accélérée à l’aune de la monstruosité, d’une altérité désormais intégrée, incarnée. Avec son père truqué à la Philip K. Dick, par ailleurs à la tête d’un avatar biologique du célèbre complexe militaro-industriel, avec sa créature réjouissante et ratée de drive-in, avec sa coda cruelle au fond d’une écuelle, le métrage accuse son âge et charme/irrite par son passéisme. Tel Truman, le personnage de Peter Weir, Martin Brundle évolue en huis clos, y compris dans son appartement, circonscrit de caméras dissimulées derrière un miroir ou dans un haut-parleur. La fiction prend ici la forme d’une maladie héréditaire guérie par un placebo à l’eau. Le gamin de cinq ans, au corps de trentenaire, perd sa virginité avec une partenaire de travail et de cœur aux allures maternelles, couple innocent et pourtant pédophile espionné durant sa chaste scène primitive. Rejeton solitaire et petit rat de laboratoire condamné à muter plutôt qu’à muer, il rappelle à sa manière le bestiaire légendaire de naguère, quand Universal faisait défiler l’improbable progéniture de Dracula, Frankenstein, Kong et consorts. Lors d’une scène coupée au fast-food, il vomit une sorte de lait buccal contre la vitre d’une voiture occupée par une smala de mioches insupportables et insultants.


Le moment le plus émouvant du métrage, bien soutenu par des cordes à la Bernard Herrmann, le voit euthanasier avec tendresse et détresse un chien supplicié, tant les animaux signifient tant de choses pour leurs maîtres juvéniles. Une fois fixé sur son sort de métamorphose, sur son statut de simple accessoire utilisé afin de terminer les travaux paternels, histoire d’en recueillir la gloire commerciale et eugéniste, le scientifique candide se construit un cocon, en éclot sous l’apparence à la fois réaliste, encore à l’abri du monopole numérique, et imaginaire d’un châtiment en marche. Bartok, mentor en toc, se retrouve prisonnier de quatre pattes géantes et du telepod originel. L’échange génétique s’accomplit, enclenché par la muse horrifiée, en relecture corrigée d’un premier essai loupé au cactus phallique drolatique, d’un second avec chaton reconstitué en parfait état via une compréhension créative, intuitive, de la magie de la vie. Une abomination à la Lovecraft revisité par Stuart Gordon en émane, bientôt remisée, sous le regard courroucé d’un aréopage saisi en contre-plongée, réminiscence involontaire d’un Douglas Sirk, dans sa fosse moraliste au rebord nanti d’une… mouche, bien sûr. Sa mère morte en couches, son père réduit à une image vidéo, Martin donne à son programme viral de verrouillage informatique un mot de passe cohérent et poignant : Papa. Signalons en conclusion l’agréable exhaustivité du double DVD Fox, à réserver aux cinéphiles anglophones, car avare en sous-titrage, dont un documentaire historique bien synthétique narré par Leonard Nimoy en personne et une courte masterclass du mélomane Christopher Young. Ni précieux ni calamiteux, La Mouche 2 mérite sa redécouverte d’un samedi soir, avec ou sans pop-corn et fly-tox.

    

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir