Faute d’amour : Génial, mes parents divorcent !
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Andreï
Zviaguintsev.
Faute d’amour (Andreï Zviaguintsev, 2017) débute
par un arbre massif, tant pis pour celui, fragile, du Sacrifice (Andreï
Tarkovski, 1986). Ensuite, les bénévoles orangés du GRED quadrillent un
bâtiment abandonné, à moitié délabré, hantise du passé soviétique, de ses
« palais culturels » mortifères, à la Stalker (Tarkovski, 1979).
À chacun sa « zone » (de dépression, d’inconfort), camarade
capitaliste, alors voici celle d’un couple de propriétaires en train de se
séparer, de s’insulter, de se cracher, (dés)accordés, Nous ne vieillirons pas ensemble
(Maurice Pialat, 1972). On n’en doute pas une seconde, cependant un doute
subsiste, quant à l’identité véritable du cadavre macabre, (dé)négation en duo,
la demande d’ADN sort de (la) scène : Aliocha ou pas ? Pendant
l’épilogue, des peintres s’activent et sifflotent dans l’appartement nu,
(re)vu, vendu, un travelling avant
vers une fenêtre nette donne à voir un paysage immaculé, surcadré, un peu
peuplé, qui rappelle le célèbre Chasseurs dans la neige de Brueghel
l’Ancien, Tarkovski ter, cette
fois-ci selon Solaris (1972) + Le Miroir (1975), allez y (re)voir.
Auparavant, un enfant souffrant de l’indifférence de ses piètres parents
disparaît subitement, inexplicablement, comme Lea Massari chez Michelangelo
Antonioni (L’avventura, 1960). Mélodrame moralisateur, Faute
d’amour dure donc deux heures. Ni Rossellini (Allemagne année zéro,
1948) ni Comencini (L’Incompris, 1966), l’estimable sieur Zviaguintsev pèche hélas
par absence de finesse, sa socio-psychologie assez rassie produit, impitoyable
ironie, une sorte d’effet inverse. Surdéterminés par un formalisme soft, par un récit de redites, cf. la
mère amère, la conclusion malédiction, par un regard (re)peignant en noir une
certaine Russie d’aujourd’hui, ses pantins mesquins se voient privés de la
moindre trace de liberté, de vitalité, de vérité, servent juste à ressasser une
énième démonstration de saison, consensuelle, conventionnelle, consacrée aux
effroyables méfaits de l’égoïsme en famille, amen, en sus de « crier haro » sur les réseaux supposés
sociaux, les selfies et (en)
compagnie, « tarte à la crème » disons générationnelle.
Malgré de rares essais d’humour – la
fin du monde maya doit se dérouler le lendemain de la fête des agents du KGB,
dommage – et de lyrisme – utilisation itération presque godardienne d’un thème
en forme de requiem, composé par les
frères Galperine –, Faute d’amour, contrairement à Leviathan (2014), ne
respire jamais, émeut encore moins, en dépit, sinon à cause, du plan discutable
du gosse en larmes, planqué derrière la porte opaque de la salle de bains, aux
WC occupés par une épouse très énervée, à laquelle son mari donne envie
d’uriner, de manière littérale. On le sait, on l’écrivait, le cinéma possède
son propre fascisme, les films ne se limitent à « libérer la tête »,
n’en déplaise au cher Fassbinder, et sur le set,
le perfectionnisme insatisfait du réalisateur râleur ressemble un brin à du
totalitarisme autorisé, adoubé, récompensé, différent des psychodrames à la
Pialat, a priori stimulants, point
passifs. Le crime de Boris & Genia – « Rien de criminel, ici »
résume le flic pragmatique, après examen
du foyer glacé – à l’encontre de leur petit héritier démuni, Zviaguintsev en
définitive le commet lui-même, car Aliocha ne l’intéresse pas, simple
silhouette au pathétique dramaturgique, en aucun cas minot mystérieux,
autonome, démoli ou reconstruit. Trop occupé à millimétrer son drame édifiant,
à s’imaginer en fils spirituel à la truelle de Bergman & Bresson, tandem de totems, passons, l’auteur
s’autorise à en oublier le cœur, la chair et le sang de ses personnages, y
compris au cours des scènes classées sexuelles, désincarnées idem. Situé entre deux désastres
antithétiques, apocalypse anecdotique en 2012, conflit ukrainien en 2015, Faute
d’amour s’inscrit ainsi, en partie, au sein du sillage dépressif, voire
doloriste, du Fils (Arseni Gontchoukov, 2014), (re)lisez-moi, spassiba. Le
cinéaste installé affirme filmer des êtres humains et non des « monstres »,
ce truc irréaliste, implicitement puéril, d’imagerie horrifique, par conséquent
compatir au pire. Conseillons-lui de dépasser le mépris de sa myopie, de (re)découvrir
Chromosome 3 (David Cronenberg, 1979), correspondance à distance, réussissant, hier,
tout ce qu’il rate à présent.
Film dans l'impasse, "Le cinéaste installé affirme filmer des êtres humains et non des « monstres », c'est peut-être en miroir de tout ce ratage même pas pathétique, de tous ces films de réalisateurs tout confits d'eux-mêmes,qui tournent en boucle comme leurs piètres redites, "absence de finesse, sa socio-psychologie assez rassie produit, impitoyable ironie, une sorte d’effet inverse."
RépondreSupprimerque ce quasi documentaire filme du côté non de chez Swann mais de l'être désincarné notre décadente époque..?,
l'art contemporain trop contemporain n'est pas réenchanteur...
Lire aussi ceci :
Supprimerhttps://next.liberation.fr/cinema/2017/09/19/faute-d-amour-toile-polaire_1597478
"clinique et cynique" dixit Libé ...telle est notre époque sans empathie hélas et que dire des gamins de 8 ans voir même six qui s'enfilent des images de films pornographiques glanées sur le "Net" à l'insu de leurs parents ?
Supprimer"Contrôle parental" ? Que dalle...
Supprimer"Scène primitive" excessive, sexe à consommer, souvent glacé...
Le terme "s'enfiler" me semble ici très connoté, ou adéquat, oui-da !
Ce cynisme ne date pas d'aujourd'hui, mais le "surcapitalisme" lui confère disons une dimension planétaire...