La Maison des bois : Famille d’accueil


Les enfants, les parents, les combattants et les survivants…


Sans être un ratage, on pouvait envisager davantage ; certes, face à la fadasse série servant de sous-titre à cet article, La Maison des bois (Maurice Pialat, 1971) demeure un lieu accueillant, intéressant, stimulant, mais le feuilleton de l’O.R.T.F. fait toutefois un peu pâle figure face aux déflagrations passées et futures, celles de L’amour existe (1960), L’Enfance nue (1968), Nous ne vieillirons pas ensemble (1972), La Gueule ouverte (1974), À nos amours (1983), Sous le soleil de Satan (1987) et Van Gogh (1991), ouvrages avec lesquels il entretient des liens évidents, de correspondances à distance. Au ciné, le scénariste René Wheeler co-signa les scripts de Jour de fête (Jacques Tati, 1949), Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952) ou L’Amour d’une femme (Jean Grémillon, 1953), ce doublé d’ailleurs en compagnie de René Fallet. Ici, à la TV, avant un épisode d’Arsène Lupin selon Georges Descrières et Les Faucheurs de marguerites de Marcel Camus (1974), fameuse chanson du générique due à Michel Magne & Jean Yanne, il chronique la vie rurale à l’arrière, en temps de Grande Guerre. Co-monté par l’intime Arlette Langmann, La Maison des bois bénéficie d’une distribution qui suscite l’admiration, mentions spéciales à Jacqueline Dufranne (Mes petites amoureuses, Jean Eustache, 1974) & Agathe Natanson (Oscar, Édouard Molinaro, 1967), à Pierre Doris (Le Diable rose, Pierre B. Reinhard, 1987), Fernand Gravey (Paradis perdu, Abel Gance, 1940) et Paul Crauchet (L’Armée des ombres, Jean-Pierre Melville, 1969 ou Un papillon sur l’épaule, Jacques Deray, 1978). Parfois acteur, notamment dans l’item précité d’Eustache, le réalisateur joue (à) l’instituteur, d’occasion, de substitution, association d’émotion et d’humiliation (scène du bonnet d’âne), mélange étrange, en reflet de sa propre persona, sinon de sa façon a fortiori conflictuelle, un peu psychodramatique, de diriger ses troupes, la Sophie Marceau malmenée de Police (1985) doit encore s’en souvenir.


Dans La Maison des bois, il se souvient lui-même du cinéma de Jean Renoir, disons de La Règle du jeu (1939) puis Partie de campagne (1946), autres contes de classes confrontées, de désastres discrets, d’hédonisme mélancolique, et il s’essaie aussi à la comédie (scène du vin de messe). Le tout premier plan, simple, panoramique, impressionnant, survolé par un air vocal vertigineux de Ravel, renvoie vers la passion picturale de Pialat. Ensuite, ça se gâte vite, en partie à cause de l’éclairage d’un autre âge, dommage, des zooms arrière et avant d’un autre temps, tant pis pour ceux du Luchino Visconti de Mort à Venise (1971), idem cinéaste mélomane. Dilué durant la durée, l’argument d’ensemble manque de densité, d’intensité, à la différence, allez, du Décalogue (Krzysztof Kieślowski, 1988), modèle mémorable d’une manière remarquable de transcender la production télévisée, non pas, seulement, en allant à contre-courant, en radical indépendant, plutôt en utilisant à son profit, en guise de défi, son idiosyncrasie, diégétique, économique, structurelle, temporelle. Néanmoins, tout ceci ne vaut pas rien, possède, par éclats, en plans-séquences, la justesse, la tendresse, la lucidité, la dureté, du corpus de l’auteur majeur. On pense, par exemple, aux leçons d’« instruction », à la visite à l’improviste des Parisiennes à pied, à la mort elliptique de Marcel, fils juvénile tombé au champ d’horreur, traumatisme dont personne ne se relève indemne, surtout pas sa mère alitée, fissa trépassée, auparavant, en plein jour, elle apercevait son spectre bienveillant, presque à la Sous le sable (François Ozon, 2000). Mélodrame martial et donc doublement filial, La Maison des bois corrige quand même, in extremis, la coda crève-cœur du Magasin d’antiquités de Dickens, citation incluse : Hervé, convaincant Hervé Lévy, jamais revu ensuite, s’en va, survit, commence une nouvelle vie, « garçu » d’enfance, déjà de résilience.


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