C’est pas toujours du caviar : Quelque part en Europe
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Géza
von Radványi.
On se souvient ou non que le
scénariste Henri Jeanson accusa Clouzot d’avoir « fait Kafka dans sa
culotte », bon mot scato à faire défaillir Truffaut and Co., guère fanatiques de ses répliques. Voici par conséquent sa
réponse au sérieux et dispensable Les Espions (1957), sous la forme
d’un distrayant divertissement franco-allemand. Filmé de manière très soignée,
appréciez la direction artistique de Herta Hareiter, la direction de la
photographie de Friedl Behn-Grund & Göran Strindberg, produit par l’incontournable
Artur Brauner, financier de Fritz Lang (Le Tigre du Bengale + Le
Tombeau hindou, 1959), de Dario Argento (L’Oiseau au plumage de cristal,
1970) ou de Jess Franco (Vampyros Lesbos + Crimes
dans l’extase, 1971), tiré du roman d’un ancien chimiste, d’où, sans
doute, le souple personnage suisse homonyme, C’est pas toujours du caviar comporte
un casting choral impeccable. Cerné
d’actrices complices, remplies de sensuelle malice, nommons Geneviève Cluny (Une
femme
est une femme, Jean-Luc Godard, 1961) & Geneviève Kirvine, Eva
Bartok (Six femmes pour l’assassin, Mario Bava, 1964) & Senta
Berger (Major Dundee, 1965 + Croix de fer, 1977, Sam Peckinpah ;
L’Ombre
d’un géant, Melville Shavelson, 1966 ; Diaboliquement vôtre,
Julien Duvivier, 1967 ; L’Homme sans mémoire, Duccio
Tessari, 1974), flanqué par les efficaces Jean Richard & Werner Peters, O.W.
Fischer incarne un copain de Candide, plutôt qu’un risible imbécile, un
célibataire cosmopolite, aux talents gastronomiques, en visite forcée dans
l’arrière-cuisine tout sauf ragoûtante des services secrets, un pacifiste
sincère, y compris sous la pluie, fi des flics en furie, bien sûr incapable
d’arrêter l’hécatombe mondiale programmée, si seulement un certain Hitler
pouvait lui foutre la paix pancartée, en effet…
Sous l’humour constant, vraiment
amusant, du scénario de Jeanson, partenaire précieux et régulier de Duvivier,
Decoin, Delannoy, Christian-Jaque ou Verneuil (La Vache et le Prisonnier,
1959), ici secondé par la paire Paul Andréota (La Tulipe noire, Christian-Jaque,
1964 ; Franz, Jacques Brel, 1972) & Jean Ferry (Quai
des Orfèvres, 1947 + L’Enfer, 1964, Henri-Georges Clouzot
; La
Marchande
d’amour, Mario Soldati, 1953 ; Les Lèvres rouges, Harry
Kümel, 1971), se dissimulent ainsi une discrète mélancolie, un sentiment
d’impuissance, de gâchis. A contrario
du confrère Giono, vrai-faux collabo, quoique, Jeanson, pareillement
emprisonné, pas pour les mêmes raisons, pas par les mêmes matons, ne poussa pas
son propre pacifisme jusqu’aux limites des liaisons dangereuses, voire
injurieuses. Certes, C’est pas toujours du caviar ne se
soucie d’aucune résistance, d’aucun côté, s’attache surtout à portraiturer l’incompétence,
par tous partagée. Une quinzaine d’années après les événements traumatisants,
on pouvait se permettre de les réécrire avec le sourire, grâce de survivants,
de Français et d’Allemands rassurants, car enfin réunis par leur martiale
comédie, a priori narrée, en VF
imposée, par le facétieux Roger Carel. Si Thomas Lieven, modeste banquier, au
père autrefois ruiné, devient in extremis,
parmi le QG nazi, endroit paradoxal de sécurité maximale, enfumée, alcoolisée,
attablée, en plongées/contre-plongées d’infamie cartoonesque, à la Tex Avery, un
ambassadeur américain plus vrai que nature, seconde peau de l’imposture,
histoire de sauver, interceptés sur la route du Sud, le tandem de Mimi & Siméon, aussi celui de Françoise &
Bastian, il demeure, au fond de son cœur, du fond du cœur, un homme de concorde
encore d’actualité, d’antidote d’insanité. Un dialogue avec le yogi au lit
illustre ceci, estimable moralité du métrage : « Européen ?
C’est pas une nationalité ! Oui, c’est une conviction »…
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