Zombiphosate : La Belle Équipe


Une réponse à une proposition, dédiée à un opus paradoxal…


Ce qui rend un orchestre émouvant ? Son harmonie, pardi, ensemble de singularités à l’unisson, marche commune et non « marché commun ». Alors que la solitude caractérise l’écriture, le cinéma relève de la multitude, dommage pour les amateurs d’auteurisme. Tout ceci contredit le récit et en constitue quand même le cœur. Dans Zombiphosate (Joe Buso & Paul Lannelongue, 2019), quatre amis à demi décident de s’aérer en forêt, au creux du calme et de la tranquillité, croient-ils. « Ça me dévore, l’hôpital » avoue la conductrice complice, a priori entichée de son passager, réplique ironique, qui parlera, n’en doutons pas, au personnel soignant, notamment de notre temps, avant, pendant et après le fameux « confinement ». Si Monsieur Macron découvrit à cette occasion leurs anciennes réclamations, fit leur éloge morose, petit exercice médiatique de démagogie pas jolie, les aventuriers précités fissa se confrontent à un type hostile, à un cannibale guère amical. Car la chimie, acclimatée à l’écologie, développe l’appétit, surtout à proximité d’un « arbre chelou », lui-même modifié molto, merci à la monstrueuse magie de Monsanto. Du pesticide à l’homicide, voire, désormais, au « féminicide », il n’existe qu’un pas, qu’un plan, qu’une course égoïste, chacun pour soi au sein des bois. Durant six minutes, l’altruisme ressemble au sacrifice et le malentendu s’avère aussitôt fatal pour « l’activiste » malvenue. Quant au cellulaire, rien à faire, sur lui l’habile zombie verse son vomi, eh oui. Au final du véloce survival, l’automobiliste nocturne voit son vain véhicule, éclairé en rosé, assailli par une horde affamée, tandis que le pire danger réside, bien sûr, à l’intérieur de l’habitacle tombal…


Placé sous le signe sinistre d’une croix introductive, Zombiphosate annonce ainsi les couleurs, vert de la nature, rouge de la voiture. Il suffit de se souvenir du passé, en lycéen point malsain, de passer sa gourde à « Bébé » lunetté, de lui laisser écouter sur l’autoradio son titre préféré. L’actualité coupée, la mauvaise odeur relativisée, on randonne, on se pomme, on ne se bidonne devant le bidon, on résout les tensions, lourde lapidation. Aussi s’installe, in extremis, une discrète mélancolie, pas seulement causée par un thème musical addictif et ad hoc : sous couvert d’une courte comédie, certes réussie, le « film collectif des Films Guacamole » affiche en effet (spécial) une contamination de saison, une extermination exemptée d’absolution. En réalité contradictoire, comme précisé supra, il s’agit d’une production entre potes, fraternelle, familiale, façonnée à Fontainebleau, en une journée, une nuit, tournée sans autorisation, tant mieux, tant pis, avec un soin serein, un plaisir partagé. Rassurons le spectateur, a fortiori végétarien, puisque sur le set économique, situé en plein air, l’équipe, répartie des deux côtés de la caméra numérique, ne se nourrit que de sandwiches et de pâtes en salade, dixit le générique. À revers de George A. Romero & Jean Rollin, François et le Gilet (Pierre-Antoine & Virginie Lannelongue, 2019) revisite le futuriste Chris Marker et sa figée La Jetée (1962), donne à visionner une transformation différente, moins « dévorante », quoique, celle d’un bon banquier BCBG, joueur, séducteur, en fringant manifestant festif, à la panoplie forcément jaunie, en féminine compagnie, tous les samedis. Le diptyque sympathique démontre donc que les gars et les filles du collectif Guacamole ne font pas les marioles, ni atteints d’amnésie, ni limités, handicapés, à/par l’hommage rassis…


Que réserve l’avenir cinématographique à ce groupe d’individus dotés d’une conscience sociale et d’une pratique ludique, à ces jeunes gens attachants, parce qu’en train de s’activer, de créer de leur côté, de s’adresser au monde entier, en VOST, SVP, salut rempli de générosité du « spécialisé » Tom Holland à la clé, au lieu de macérer parmi l’inertie, la nostalgie, le ressentiment et la mésestime, maux franco-français, dont il conviendrait, dès demain, de se débarrasser, tels des déchets spirituels, à foutre à la poubelle ? Nul ne le sait, néanmoins demeurent deux ou trois certitudes. Le cinéma hexagonal existe, survit, se délocalise, se diversifie. Il (s’) investit et s’exprime via d’autres écrans, ici et maintenant. Il doit s’émanciper du soutien financier du CNC, il lui faut s’affranchir du fric étatique, de la tutelle télévisuelle, afin de se ficher du formatage, du pilotage poétique et par conséquent politique, essayez de scinder la caractéristique des images, bon courage. De sa radicalité dépend sa qualité (française, persiflait François Truffaut), de son intégrité son intensité, de sa clairvoyance son importance. À rebours d’une bêtise généralisée, intéressée, stratégique, cynique, il fonde déjà des foyers de guérilla, aux abords de Bordeaux ou ailleurs, munis d’un regard et d’un cœur. Souhaitons-lui longue vie, purée d’avocats ou pas, à ce positif cinéma…


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