Momma and the Meaning of Life : Women


Shalom Shula, cela (pas que) pour toi…


Décalquons la discussion (supposée soignante), commençons par une question : s’agit-il en réalité, catégorie clinique, de tales of psychotherapy, comme l’indique le sous-titre ? Assurément, pas seulement, heureusement, car ce recueil recommandable, transmis par une amie, constitue avant tout, surtout, une collection de camées – pas de camées, même si la cuisinière de The Hungarian Cat Curse se sert d’une herbe particulière –, une sorte de gynécée à moitié domestique, à domicile, où l’auteur, qui « essaie » (je le cite)  ici d’être un teacher autant (sinon davantage) qu’un storyteller, cf. sa note finale, pratique sa sienne maïeutique, accouche de six (jolis) récits de (sur)vie. Voici par conséquent, par ordre d’apparition, une demi-douzaine de femmes fréquentées, fréquentables, prénommées (prénoms modifiés, secret professionnel conservé, of course) « Momma », Paula, Magnolia, Irene, Myrna et Artemis. Bukowski, auquel emprunter le sous-titre, bis, de cet article, s’intéressait, on le sait, aux Contes de la folie ordinaire – l’intitulé original ose l’allitération explicite, ludique, de Erections, Ejaculations, Exhibitions, and General Tales of Ordinary Madness – alors que Yalom réfléchit à la (« Fraud ») Freud, rédige sa Psychopathologie de la vie quotidienne à lui. Ces femmes souffrent, ces femmes s’affichent (s’affirment) en sources, de tensions, d’insatisfactions, de stimulations, de transformations. « Contre-transfert » ou non, l’interprétation psychanalytique, à tort ou à raison déconnectée du contexte US « ethnique », participe (en partie) d’une (re)création, d’une dialectique dynamique, conduite entre sujets consentants, ou récalcitrants, et la frontière entre fiction et non-fiction de s’effacer en douceur, l’identité de se dissoudre avec discrétion : dès Double Exposure, l’avant-dernière nouvelle, Irvin D. Yalom devient donc Ernest Lash, cependant idem médecin des âmes (un peu perdues, fissa remises sur le droit chemin du praticien américain, amen).



Cet écart décidé, voire revendiqué, artistes avoués admirés, ce pertinent et indépendant pas de côté – délicat procédé, précédé de manière très supérieure, périple au cœur de l’horreur, par le Truman Capote de In Cold Blood, contradictoire « non-fiction novel » – se voient pour ainsi dire portés au carré dans Seven Advanced Lessons in the Therapy of Grief, Robert Frost à la rescousse maousse. En résumé, au sein (forcément maternel) d’un monde immanent, placé sous le signe de la solitude, de l’absurdité, de la finitude mais aussi de la liberté, existentialisme transposé à la thérapie, individuelle ou collective, il convient de (se) créer sa propre raison d’être (honnête envers soi-même, ses semblables), de conférer un (nouveau) sens à son existence, de se défaire des affaires (« affects ») et des conflits (familiaux) d’hier, d’apprendre, hédonisme mesuré, à apprécier le « maintenant » et l’« ici », celui de la salle de travail d’hôpital paupérisé, scandaleusement dirigé, « managé » (en petite entreprise administrative soumise aux diktats des résultats), celui du cabinet de consultation very cosy, celui de l’esprit réconcilié avec le corps, c’est-à-dire avec la mort, celle d’autrui, du chéri, en prophétie de la sienne, guère sereine. Cancer ou cassette, anorexies ou insectes, obsession ou « malédiction », la patiente peut compter pour les contrer sur son partenaire préféré, parfois détesté, au moins malmené (par la désirable-insupportable Myrna), in fine consolé (par l’extatique et fantastique Artemis, vraie-fausse Féline à la Lewton & Tourneur). Drolatique et dramatique, solaire et sincère, zélé et soigné, l’ouvrage vite lu, bienvenu (confinement + flicage comme cristallisation amateuriste de l’insanité de la modernité), convainc les convaincus, divertit les incrédules. Si la « psychologie », à l’image des « sciences humaines », s’apparente à une imposture (pas tant « intellectuelle »), l’écriture transfigure, impose un espace partagé, de fables affables, CQFD.


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