Extase : Climax


Papa aux cent pas qui ne comprend pas, collier de perles qui se perd, cigarette after sex


Affublé d’afféteries arty (par exemple chaise + chandelier en amorce), lesté d’un symbolisme sexuel à la truelle (mention spéciale à la saillie en POV d’équidé, olé), Extase (Gustav Machatý, 1933), quel dommage, se caractérise en sus par son moralisme maousse. Réactionnaire plutôt que révolutionnaire, le récit d’insatisfaction, de révélation, de suppression, de séparation, s’achève sur un rêve (éveillé, ensoleillé), où l’ingénieur beau joueur envisage la furtive (et fautive) Eva en (joviale) mamma, nous y (re)voilà. La coda contredit ainsi la première empathie, recadre (terme idoine) le (mélo)drame, remet en ordre les rôles (sexués, sociaux). Les mecs construisent, les femmes enfantent, amen, et le réalisateur tchéco imite Murnau (en travelling), singe Eisenstein (au montage). Commencé comme une comédie (du mariage, malgré la différence d’âge) dépressive, because nuit de noces morose, le poussiéreux époux (et maussade maniaque, doté de TOC) se blesse, adieu à l’ivresse (des sens, solitude de décence, de somnolence, d’impuissance), en studio, molto Art déco, Extase s’aère ensuite, c’est-à-dire revisite le naturisme germanique (à tendance écologique, aux correspondances panthéistes) et place ses pas parmi le sillage du style classé alpestre, autre particularité teutonne (Leni Riefenstahl approuve, le prouve, pensez au sien La Lumière bleue de 1932, aussi musiqué par l’envahissant Giuseppe Becce, prolifique compositeur local, notamment pour Lang, Murnau, Riefenstahl). L’Adam du moment (prénom du personnage), incarné par un acteur allemand (le convaincant Aribert Mog), par ailleurs membre d’associations nazies, bientôt tombé au front, séduit immédiatement la (juvénile) fille de la ville, elle-même « nouvelle Ève » fissa divorcée, interprétée par une actrice aux origines sémites (l’Autrichienne Hedy Kiesler s’y colle, sa renommée décolle, Louis B. Mayer s’emballe, l’emballe à L.A., la renomme Mademoiselle Lamarr, quel bazar).


Mais en 1933 (raccord de concomitance, remarquez idem le pyjama rayé, modèle camp de concentration, allons bon), vous savez pourquoi, on ne plaisante pas (avec la supposée pureté de la race, surtout aryenne, l’innocence du sang, amenuisée par les mélanges), alors rapplique le remords, déboule la culpabilité, puisque auparavant le mari démuni, esseulé, en excès (de vitesse), en détresse (à l’instar de la mouche prisonnière, misère, amitiés au Renfield de Bram Stoker dans Dracula, oui-da), se suicidait, de surcroît à proximité des extasiés, aussitôt suspects (aux yeux du spectateur retourné, par conséquent éduqué). Sur le quai d’une gare, en plein désespoir, contraste nocturne avec la séquence de danse diurne sur une terrasse touristique, sur une chanson des Comedian Harmonists (cf. ma critique du biopic de Joseph Vilsmaier, 1997), l’héroïne recale Anna Karénine, ne se jette sous le prochain train pour Berlin, bien. On sait la suite, au demeurant assez anecdotique : Extase sortira, ou pas, suscitera le scandale, excitera la censure, s’avisera en diverses versions, remontées ou non, œuvre en vérité de toute façon cosmopolite, polyglotte, film muet parcimonieusement sonorisé. Que reste-t-il, à présent, de cet Extase d’un autre temps ? Disons une érotisation de saison, une nature à l’unisson, dialoguant à distance avec le lyrisme subjectif (et impressionniste, davantage qu’expressionniste) de La Fille de Ryan (David Lean, 1970), fable reflétée, différenciée, de féminité tourmentée, de virginité volontiers volée, face à laquelle la critique US seventies s’esclaffa, une certaine Pauline Kael en tête. Disons le désir estimable de filmer le désir (cette fois-ci assouvi) d’une femme, en (contre-)plongées, en surimpression, en gros plans apaisants, love scene suggestive, pudique, presque trop chic. Désormais, tant mieux, tant pis, la pornographie relève le défi, « injuste grandeur », à la Luc Dietrich, d’une imagerie in fine épuisante, à force de fausses jouissances.


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