Elizabeth : But What Do You Know About Elexis Monroe?
Poisson de saison ? Hommage de marasme…
Ceux qui trouvent de laides
intentions en de belles choses sont corrompus sans être séduisants. Et c’est
une faute.
Oscar Wilde, Préface du Portrait
de Dorian Gray
Moins connue que quelques consœurs,
Elexis Monroe mérite quelques lignes de votre serviteur. Elexis exerce la
profession de « cascadeuse », euphémisme anal-ogique assez judicieux
d’une certaine Brigitte Lahaie, ensuite récemment (et inconsciemment) repris
par la Jeune et Jolie (François Ozon, 2013) Marine Vacth, pour
laquelle les scènes sexuelles, certes cette fois-ci simulées, s’apparentent à
des « cascades » à exécuter la tête froide et le reste aussi, merci. Depuis
longtemps, disons deux décennies, spécialisée dans le lesbianisme soyeux ou
presque audacieux, on pense en particulier à un tandem attentif, attentionné, avec une Alicia Silver enceinte, aux
inoffensives démonstrations d’incestes entre (belles-) mères et (belles-)
filles, Mademoiselle Monroe, en dépit de son pesant pseudonyme, ne semble
souffrir d’aucun problème d’ego ni de
troubles psychos. Naturelle, sereine, lucide et accessoirement survivante, because soucis de santé (survenus en
2012) dépassés, demi-surdité conservée, sorry,
on compatit, on reprend goût à la vie, oui ou non au lit, la principale
intéressée sait se définir, fi de fausse modestie : « I’m just a
regular girl – girl next door in fact to many. I just love
what I do, love sex, love women and even men too » ou « I’m a grown woman who
is still learning » ou « I believe I’m different and I have something to
give and leave people with », on confirme. Amie des animaux, pauvre toutou décédé, incinéré, collaboratrice
émue de l’amicale Jodie (West), qui joua pour elle les infirmières en Floride, première-pionnière
contract star pour Sweetheart Video, la muse stakhanoviste – près de 300
titres au compteur, Seigneur – démystifie la mauvaise réputation de son milieu,
car « In EVERY profession people have problems », en effet.
De surcroît Elexis préconise le gun control
(« Guns don’t kill people. Idiots with guns kill people »), défend le
droit à l’avortement, s’intéresse en sus à sa fifille, à la photographie,
apprécie l’océan, les vampires mélancoliques d’Anne Rice, James Dean & John
Cusack – je lui laisse cet acteur, au demeurant compétent, je choisis de rejoindre
Angelica Huston, mémorable Médée, madone à hématomes, des Arnaqueurs (Stephen
Frears, 1990), désir en famille, bis.
Laissons aussitôt au lecteur anglophone, à la lectrice complice, le soin et le
plaisir de lire l’intégralité des entretiens non datés accordés par Elexis aux
sites HotMoviesForHer & XCritic. Concentrons-nous, voulez-vous, sur nos
souvenirs, sur ce qu’Elexis, éloquent body
language, salut à Kylie, de sa voix
juvénile, en silence explicite, persiste à nous dire, au-delà de l’écran
souvent désolant, d’une imagerie en grande partie rassie. Bien sûr, la
silhouette tout sauf suspecte, en vérité ouverte, épanouie, de jour, de nuit,
de la belle Californienne fissa séduit, se transforme au fil des années
magnanimes, puisqu’elles lui confèrent le rayonnement intime, désarmant, de sa
maturité en majesté. Ce « corps de boue », moqué par les mystiques, tenu
pour pire que rien par les obsédés puritains, (se) tient debout, s’appréhende
durant les bandes censées provoquer la bandaison, l’humidification, en signe
positif, en affirmation de soi, exemptée de chichi, de tralala. L’excitante
Elexis s’apprécie en tribade adulte, au partageur tumulte, jamais en médiocre maquerelle,
en partenaire à l’écoute plutôt qu’en sportive coûte que coûte, en amoureuse
valeureuse, même rémunérée, davantage qu’en automate autorisé à (se) demander à
sa semblable combien vaut son clito. Trêve de trivialité, chacune des
apparitions de la précieuse et malicieuse Elexis se caractérise par sa
générosité, sa sincérité, son énergie ravissante et ravie.
Au cinéma, mainstream ou pas, la triche attriste ; dans le X,
« empire de la tristesse » – relisez mon modeste essai, please – pollué de paresses, scandé de
détresses, pourtant ponctué de tendres et ludiques incongruités, de raisons
d’espérer, « guerre des sexes » apaisée, il convient volontiers que
l’on s’extasie devant les extases exactes d’Elexis, que l’on célèbre à sa
mesure point impure sa présence constamment au présent, miracle laïc
d’immanence, je t’embrasse, je t’enlace, je glisse mon esprit, ma langue et mes
doigts en toi, ne le vois-tu pas, ne le sens-tu pas ? Elexis existe et
sourit, multiplie ses siens orgasmes et ceux, peut-être un peu plus creux, de
ses conquêtes, pas si expertes, plus distraites, moins appliquées à jouir à
proximité du pire. Elexis s’extraie de soi, accède ainsi à ce qui la traverse
et l’excède, recourbe ses orteils peints et renverse sa tête en récurrentes manifestations
du climax. Mouvante, émouvante, identique
et fidèle à elle-même, à sa gymnastique, à ses limites, Elexis Monroe ne prend
pas ses admirateurs enamourés, ses admiratrices photographiées, pour des pourceaux,
des idiots, de misérables magots, cède à d’autres les étreintes hétéros,
pourquoi pas, si ceci lui sied, cela nous va. Il arrive en outre que l’actrice
– elle agit, elle réagit, elle crée à partir de sa personnalité, elle se glisse
parmi mille peaux possédant la probable douceur de la sienne, j’utilise donc ce
terme à dessein – pratique son art poétique, priapique, en compagnie d’une amie
de son âge, miroir mis à nu, inverse mis à son avantage, par exemple la
plantureuse Texas Patti, vraie-fausse Texane en réalité originaire de Germanie,
teutonne pas conne déguisée en femme de ménage tourmentée, rapido désapée,
histoire de rejouer sur un canapé immaculé la dialectique lubrique de la
maîtresse et de la servante, voire son inversion d’occasion, la passion
essayons, osons (Maid Up For Lost Time, Joanna Angel, 2019, épisode de la série Moms
on Moms).
Actrices puis réalisatrices, à son
image, davantage, Sandra Shine & Nica Noelle ne (me) contrediront
pas : Elexis Monroe, délestée de suffisance, la majorité de ses petites
camarades distance, par son investissement physique et affectif, sinon
sentimental, elle assume, je présume. Lorsque la sueur surgit, lorsque le
baiser se poursuit, tant pis pour le panoramique vertical ou horizontal, pour
le fondu au noir un brin obsolète de fin de saynète, quelque chose advient,
parvient à transcender enfin les épuisantes positions imposées, la furie feinte
ou défraîchie. Inutile d’ici succomber aux délices d’initié du name dropping,
c’est-à-dire d’énumérer les innombrables noms des femmes filmées entre les bras
et les jambes de la dame remarquable, remarquée. Que nous excusent les
absentes, que nous remercient, si ça leur dit, les aimables Cameron Cruz,
Abella Danger, Deauxma, Dana DeArmond, Syren De Mer, Zoe Holloway, Michelle
Lay, Kelly Leigh, Porsche Lynn, Melissa Monet, Prinzzess, Sinn Sage, Magdalene
St. Michaels, Celeste Star, India Summer, Tanya Tate et Vanessa Veracruz,
boucle presque bouclée, olé, sise sous le signe de la croix, oui-da. Sur la surprenante
photo placée supra, Elexis évoque en
bord de flotte la Thérèse remplie d’aise immortalisée par Le Bernin. D’une
extase à la suivante, d’une statue à une « performeuse », de la
culture classée haute à une production massive et dévaluée, cette bouche
ouverte, ces yeux fermés, ce cou cassé, cette face levée vers le ciel,
majuscule optionnelle, septième ou non, continuent à (nous) interroger,
constituent des sommets d’énigmatique féminité-félicité, propices à effaroucher
les féministes, on s’en fiche, on préfère le solaire, le sensuel, le spirituel,
l’exploration sexuelle, existentielle, la création à défaut de la rédemption.
Ni maman ni putain, dommage pour Jean
Eustache, ni sainte ni sirène, ni déesse ni modèle, Elexis Monroe déploie sa
propre mystique érotique, tournée vers la vie, l’envie, la lumière et l’air,
tandis que la pornographie se situerait, schématisme pragmatique, auparavant
nuancé, du côté de l’obscurité capitaliste, du dionysiaque destructeur à la
Nietzsche, de la dépense « maudite », partie en pure perte, à la
Bataille. Elizabeth Nicole Medlin, identité d’état civil, identification administrative, peu
antonionienne, d’une femme affable, fréquentable, j’en fais le pari à la (Jean-)
Pascal, lira-t-elle pareille prose de période morose, antidote à domicile (EM
aime « Having certain people write amazing articles about my work ») ? En
vérité subjective, le portrait personnel, sens duel, s’auto-suffit, incite à
s’évader, invite à découvrir, à regarder mieux, à oblitérer avec brièveté tout
ce qui rend si malheureux (« I hope to make one person happy at a time and
if I do, then I’ve achieved my goal »), en définitive à savourer ensemble
ou en solo l’élixir de l’exquise Elexis.
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