White of the Eye : L’Arme à l’oeil


Misogyne et moralisateur ? Méritoire même (en) mineur…


Le mariage de la carpe Cannon et du lapin Cammell accoucha donc d’un petit polar un peu arty, assez bizarre, citant autant Dario Argento, tendance Ténèbres (1982), gare au verre, que Jean-Luc Godard, toujours trop tard pour éteindre la mèche, Pierrot le Fou (1965) opine. Co-écrit par China & Donald, remarquez, au resto, le caméo de la compagne, itou créditée dialogue director, éclairé coloré par Larry McConkey, également manieur de steadicam, scoré à la fois par Rick Fenn, cette fois-ci sans 10cc, Nick Mason, enfin émancipé de Pink Floyd, Leoncavallo & Mahler, mince, le Paillasse du premier plus tard réutilisé, à l’occasion de l’opératique Les Incorruptibles (Brian De Palma, 1987), Sean décède dans son sang, White of the Eye (Donald Cammell, 1987) portraiture, par conséquent, un spécialiste du son, à l’oreille inouïe, oh oui, au bord de la rupture, pas seulement sentimentale, plutôt cérébrale, à l’orée de la folie, insoupçonnable et insoupçonnée, surtout par ses proches, moche. Le sympathique, presque angélique, David Keith de Firestarter (Mark L. Lester, 1984) incarne ce mari meurtrier, vite suspecté à cause de ses pneus, pas encore crevés par son épouse trompée, ulcérée, à laquelle Cathy Moriarty, déjà malmenée par le Jake LaMotta de Martin Scorsese (Raging Bull, 1980), prête ses traits dotés d’une beauté glacée, aux faux airs de Faye Dunaway. Tandis que les flics non locaux, mais mélomanes, philosophent à propos d’hérédité, devisent au sujet de « boussole indienne », le récit bascule au passé, nous fait rencontrer Paul, Joan et Mike jadis, durant leur jeunesse, triangle illico réduit à un duo, voici l’homme qu’il te faut. Le couple copule à côté d’un flipper baptisé Black Hole et par la suite, l’amant délirant fera équivaloir les trous noirs à des vides vaginaux, les psys apprécient.


Passé par la prison, blessé au front, le délaissé semble percevoir sur sa TV psychique le film à venir, venue de son ancienne élue, duel avec « l’Élu », in extremis, au creux d’une usine de cuivre désaffectée, opposé au cinglé censé soulager, de façon définitive, la « détresse » du supposé « deuxième sexe », amen. Oisives, friquées, préoccupées par leurs courses et leur capillarité, parfois jambes en l’air, peut-être tatouées, assurément adultères, les proies d’Arizona subissent des assassinats organisés à l’instar de beaux-arts, amitiés à Thomas de Quincey, rappelons la picturale formation du cinéaste, avec pour témoin un poisson rouge ou un miroir de baignoire, remember celui du Voyeur (Michael Powell, 1960). Maculé d’écarlate, comme l’enfant de chœur exterminateur du contemporain Rampage (William Friedkin, 1987), le chasseur de daim, encore moins serein que son homologue chez Michael Cimino (Voyage au bout de l’enfer, 1978), se met à tirer depuis une fenêtre sur sa fifille adorée, elle-même menace de maternelle, dégomme in fine le familial canidé. Joan & Danielle s’en sortiront, épilogue policier attablé, aveuglement de dix ans, une pièce chanceuse apportera, pourquoi pas, un autre partenaire, plus sincère, à l’apaisée, souriante malheureuse, immortalisée en arrêt sur image. Tout ceci peine à passionner, possède une certaine singularité, des correspondances évidentes avec Génération Proteus (Cammell, 1977), similaire/différencié huis clos sado-maso à domicile, de dame en péril, de sexe dépressif. Muni du monteur Terry Rawlings, qui durant la même décennie assembla La Sentinelle des maudits (Michael Winner, 1977), Alien (Ridley Scott, 1979), Les Chariots de feu (Hugh Hudson, 1980), Blade Runner (Scott bis, 1982), Yentl (Barbra Streisand, 1983) ou Legend (Scott, ter, 1985), Donald Cammell imite, en mode minoré, la temporalité (é)mouvante de Nicolas Roeg, son comparse de Performance (1968). White of the Eye pourrait ainsi s’interpréter en réponse retardée à Enquête sur une passion (1980), autre histoire de lit, de délit, de féminité maltraitée, de masculinité tourmentée.


Connaît-on jamais celui/celle partageant notre couche et notre vie, nos jours et nos nuits ? Doit-on vraiment découvrir ce que dissimule le porte-savon de la salle de bains, cache macabre ? Peut-on compter, pour garder sa propre gamine, sur sa bouclée copine, cinéphile se préparant pour aller voir Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939), en ramener un quelconque galant ? Non, non, non et Donald nous dit aussi, sorte d’autobiographie diffractée de futur suicidé, que l’ennemi intime n’attend qu’une invite explicite, ou un alibi ironique, afin de se manifester, se jeter sur sa cible aux bas rosés ou ficeler la voisine noyée, que la destruction, avec ou sans chasse dégueulasse, baiser entre mecs, sidérant, sidéré, surgit à la maison, jusque dans la création de pâtisseries a priori innocentes, support pédagogique, ludique, de socialisation. Certes, rien de bien neuf sous le soleil du désert amer, Nietzsche autrefois cartographe de l’abîme réflexif, toutefois ce voyage dans le blanc des yeux, factice et factuel aveu, déploie une séduction modeste, marginal à défaut d’être original, méconnu et quasiment digne d’être reconnu. Neuf ans après sa sortie, le réalisateur s’improvise flingueur, se supprime de manière narcissique, trépasse au sein d’une glace. Gageons qu’il vit, au-delà de son visage, la face funeste de son Lucifer sonore, énigme anonyme d’opus oublié, mystère éphémère d’obscur Écossais.


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