Au-delà des montagnes : La Vague
Suite à son visionnage sur la chaîne d’ARTE, retour sur le titre de Jia
Zhangke.
Les Pet Shop Boys sont à toi
Air les Daft Punk Madonna
T’as l’cœur à danser moi pas
Alain Chamfort
Cet interminable mélodrame maternel,
au marxisme de maternelle, à l’auteurisme mondialisé, autorisé par ARTE, à
l’œcuménisme critique, fatidique, commence donc comme un Jules et Jim (François
Truffaut, 1962) délocalisé. Au terme de quarante-cinq minutes cadrées carré,
puisque le film enfile les formats, multiplie les temporalités, 1999 en 1.37,
2014 en 1.85, 2025 en 2.35, le titre apparaît, affirme en anglais que les
montagnes peuvent partir, voire mourir, l’intitulé original résumant l’amitié miroitée,
jouant sur la géographie, sinon la nostalgie. Elles peuvent aussi, on le sait,
accoucher de souris, bel exemple que voici. Le triangle possède stabilité, dixit Mademoiselle Moreau, pardon, Miss Tao, hélas il s’avère ici insipide,
ressassé, ripoliné à la sociologie jolie. Un cours d’économie chinoise, en
accéléré ? Une caricature à ricaner, que ne commettraient même pas des
communistes, maoïstes ou point. Entre l’entrepreneur et le mineur, nulle
hésitation, seule la raison, un choix payé cher, ma chère, gosse au prénom de
monnaie + divorce demandé. Ça ne suffit pas à émouvoir le spectateur ?
Après le déchirement des sentiments, place à la chimiothérapie coûteuse de
l’exilé charbonné, au trépas du papa, moines idoines, moment majeur de comique
classé involontaire, au milieu d’un mausolée ferroviaire. Scolarisé chez les petits
bourges polyglottes à Shanghai, le fiston revient fissa assister aux
funérailles de l’ancêtre obsolète. La gérante généreuse de station-service
momifie en ligne la mommy intrusive
et donne au rejeton les clés de sa maison, amen.
En Australie à venir, le marmot, au père parano, armé, lui-même (re)parti pour
cause d’époque anticorruption, apprend sa langue maternelle, tombe amoureux fou
de sa prof fraîchement installée, elle-même en train de divorcer, sexy sexagénaire, avec laquelle s’envoyer
en l’air, avant de vite chuter sur Terre, à l’occasion d’une remarque maladroite,
à vous dégoûter du tourisme organisé.
À la fin du Lauréat (Mike Nichols,
1967), souviens-toi, crois-moi, l’étudiant gnangnan, pareillement dépucelé par
un cougar aux bas noirs, s’enfuyait in fine,
au côté de sa presque mariée, de sa future fiancée, idem en transports en commun, un brin raciniens, émois aux USA.
Au-delà du destin, Daole, hors-champ, vraisemblablement, dit bonjour à sa
maman, aux raviolis toujours exquis. La promenade solitaire du nouveau clébard
sous la neige servira de coda, de boucle bouclée avec le prologue chanté, dansé,
du générique ludique, inaugural, jovial, choral, retour des improbables Pet
Shop Boys, substitués à la pop
cantonaise de Sally Yeh, ah ouais, l’ouverture sur l’Ouest désormais remplacée
par l’autarcie de la mélancolie, eh oui. On le voit, on le lit, tout ceci
ennuie, tout cela lambine et larmoie, le pensum
inanimé voudrait nous édifier, à propos de capitalisme, de famille, de visages,
de paysages. Durant une scène absurde, un avion militaire s’écrase à proximité
de l’héroïne, CGI à deux balles, mal à la rétine : à l’instar de son
symbolisme de pacotille, Au-delà des montagnes (Jia
Zhangke, 2015) se dégonfle vite, baudruche pour presse spécialisée, acquise, et
public épris de supposée délicatesse, en vérité colossale. Hypnotisé par sa
muse mutine puis dépressive, le cinéaste délaisse la moindre ambition
cinématographique, c’est-à-dire esthétique et politique, réduit les autres
personnages à des faire-valoir d’un jour, d’un soir, à des silhouettes de
mouillés mouchoirs, enfonce des portes ouvertement ouvertes, en Orient, en
Occident, depuis déjà longtemps, avec une scolaire et stérile inconscience, ou
cannoise arrogance, qui ravira, n’en doutons pas, les « ennemis de la
finance » autoproclamés, effrontément friqués, bien à l’aise, en salle de
ciné ou à domicile sécurisé. Cependant la présence de la vétérane Sylvia Chang,
connue des cinéphiles portés sur l’Est, l’Asie amie, pour des divertissements made in HK, destination d’ailleurs
moquée par le patron concon, en bagnole rouge bientôt cabossée, des items signés Eric Tsang, Tsui Hark, Ringo
Lam ou Johnnie To, sans sucrer le Salé, Sucré (1994) anecdotique d’Ang
Lee, apporte un peu de pertinence et de chair à la fresque proprette, malhonnête,
manichéenne et guère pérenne.
On conseillera, par conséquent, de se
consoler avec Black Coal (Diao Yi’nan, 2014), encore une histoire de trou noir, de
feu d’artifice, le « bureau » de Kitano se casse illico, ou un certain A Touch of Sin (Jia Zhangke, 2013),
tétralogie et tératologie, dont l’incontournable Zhao Tao, trop n’en faut,
dominait un morceau, clin d’œil de tigre encagé, inquiet, inclus.
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