Blastfighter : La Chasse
Jake et son faon, Jake et son enfant, Jake en ermite et en
mécanique…
Bien sûr, Blastfighter (Lamberto
Bava, 1984) adresse des clins d’œil aux Chasses du comte Zaroff (Irving
Pichel & Ernest B. Schoedsack, 1932), à Délivrance (John Boorman,
1972), à Voyage au bout de l’enfer (Michael Cimino, 1978), à Rambo
(Ted Kotcheff, 1982), au contemporain Razorback (Russel Mulcahy), mais il
résonne surtout, certes à sa modeste mesure, avec Impitoyable (Clint
Eastwood, 1992), possible titre suppléant, puisque son argument, de passé point
ne passant, repose à la fois sur le refus de la violence et l’accomplissement
de la vengeance. Le générique de fin précise que les images de souffrance
animale proviennent d’archives, exit
le côté documentaire de Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato,
1980), donc, cependant ce métrage de traque générale, de gibier à deux pieds, capable
de parler, pleurer, constitue à sa manière un tract contre l’occupation discutable, qui révulsait un certain
Oscar Wilde, ici recyclée en outrages de braconnage. Il s’agit, aussi, d’un
mélodrame amical, familial, doublé d’un survival
rural, où deux hommes s’affrontent à la façon des cerfs, où deux femmes, la
mère puis la fille, s’effondrent, la première blessée à mort, la tête sous
l’eau, par un couteau de giallo, la seconde mortellement touchée par une balle,
à proximité d’une cascade, rime aquatique. L’ex-flic et ex-incarcéré
perd par conséquent son épouse furtive, sa descendance intrépide, descend
l’assassin, décime les vauriens. Durant le dernier duel, il casse l’autre jambe
de sa connaissance d’enfance, il ramène in
extremis, au petit matin, au milieu de la rue principale de la petite ville
trop tranquille, l’amas de cadavres humains substitué à celui des cervidés,
sorte de boucle bouclée en pick-up, qui
plaira, n’en doutons pas, aux pensionnaires de la SPA.
Face au frère infect, en compagnie de
la jolie Connie, il convient, à contrecœur, de reprendre les armes, de se servir du
prototype policier de l’intitulé, fusil fabuleux, grâce auquel se métamorphoser
fissa en ersatz de Chuck Norris, massacrer en son-et-lumière nocturne, over the top, action non-stop, l’ensemble des poursuivants,
c’est-à-dire du casting, le « Tiger »
enfin (re)devenu ange exterminateur, nulle surprise pour le spectateur,
d’ailleurs. Le réalisateur signe un film soigné, enlevé, dont la linéarité
déploie une moralité ironique, tragique. Très manichéen, un brin raciste, avec
son Asiatique trafiquant d’aphrodisiaques, un chouïa homophobe, cf. le couple
de tueurs à la Hitchcock, en tout cas selon une sensibilité actuelle, contrôlée
par le pénible politiquement correct, Blastfighter mérite néanmoins son
exhumation, démunie de ricanements, sinon de condamnation. Un an après La
Maison de la terreur, du même auteur, revoici Michele Soavi, embarqué
par Bava au bout de l’hallali. Escorté par trois co-scénaristes, mentionnons
les noms de Massimo De Rita, architecte de La Cité de la violence (Sergio
Solima, 1970), médecin de Ils vont tous bien ! (Giuseppe
Tornatore, 1990), de l’incontournable Dardano Sacchetti, le cinéaste sous
pseudonyme, pratique pragmatique, bénéficie des lumières du fidèle directeur de
la photographie Gianlorenzo Battaglia et d’un thème irréfutable du fulcien
Fabio Frizzi, à la féminine mélancolie. Forte et fragile, Valentina Forte (Amazonia :
La Jungle blanche, 1985 + Body Count, 1986, duo de Deodato) se
tient entre l’éphémère et solide Michael Sopkkiw, l’aimable et boiteux George
Eastman. Faut-il prendre au sérieux de tels films ? Peut-on y prendre du
plaisir ? Poser la question implique la réponse : oui, oh, oui, pas
seulement en raison d’une cinéphilie délestée d’a priori, en partie portée vers l’Italie.
À l’intérieur de ses frontières, de
celles de la forestière Géorgie, d’habitude plus alanguie, radoucie, réécoutez
Ray Charles, rematez Minuit dans le jardin du bien et du mal (Eastwood,
1997), Blastfighter respecte son pacte cinématographique, sans une
once de cynisme ni de complaisance, je pense, par exemple, au viol collectif
vite avorté, châtié. Un item à
démolir, armé du mépris ? Un ouvrage vivant, mieux qu’une copie.
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