Le Retour de l’abominable Docteur Phibes : Le Prince d’Égypte


Toutankhamon quasiment tout en carton, pour nécropole pop


Avant Aphrodite (1982), revoici Orphée : Robert Fuest, fanatique des mythes ? En tout cas, en l’absence de Valérie Kaprisky, le cinéphile amateur de (très) jolies filles se consolera avec la complice Valli Kemp, la délaissée Fiona Lewis ou la mutique Caroline Munro, quel beau trio. Sinon, ce film sympathique mais anecdotique, baigné d’humour britannique, donc dans le direct sillage de son prédécesseur d’horreur, farceur, nous transporte cette fois-ci au pays des pharaons fascinés par l’éternité, après les fameuses dix plaies égyptiennes détournées de manière criminelle pendant le premier opus sorti en 1971. En 1972, l’Espagne sert de mirage à sarcophage, viva Ibiza sans David Guetta, et les studios d’Elstree donnent à nouveau dans l’Art déco, bravo au boulot évocateur du set designer Brian Eatwell, collaborateur de Roeg, Lester ou Fuller, bien mis en valeur par le lumineux Alex Thomson, DP sur Excalibur, La Forteresse noire, Electric Dreams, Legend, L’Année du dragon, Labyrinthe ou Alien 3, voilà, voilà. AIP produit, dollars à Londres, le précieux Vincent Price rempile, s’exprime en voix off de lèvres closes, les personnages possèdent des patronymes very jazzy et le réalisateur-lecteur adresse des clins d’œil idoines à Henry James & Lawrence Durrell. Si tout cela ne vous suffit pas, sachez que vous croiserez encore Peter Cushing en capitaine, Hugh Griffith en bouteille (géante de gin amer, balancée à la mer), John Thaw, inspecteur Morse à venir, vaincu par un aigle, ou le Terry-Thomas de La Grande Vadrouille en voyagiste gêné d’être requis au commissariat un samedi, my God. À la suite d’un résumé pratique, d’un soupçon d’astronomie ésotérique, le musicien à « orgue de cinéma » empoussiéré, admirez le (coup de) plumeau comme il faut, s’élève à nouveau, quitte son tombeau, illustre ainsi le titre en VO (Dr. Phibes Rises Again).



Malgré son manoir démoli, la « rivière de la vie » devrait vite ressusciter son Eurydice embaumée. Avant d’atteindre sa barque de Charon, de dépasser un portail létal, il devra défaire son rival, un certain Darius, centenaire conservé via un élixir de son cru, voleur malin de chéri parchemin. Vrais et faux serpents, croisière mortifère, flics incapables, automates mélomanes, scorpions à foison, tempête suspecte, avisez le gros ventilo, mec d’équipe alité, attaché, compressé, réduit à sa face cireuse, sable fatal d’habitacle, aventurière à sauver, sorte de sirène SM menacée d’être noyée, empalée, au creux d’une pyramide de poche relookée par le décorateur de Ford Boyard : plus mouvementé qu’un bouquin d’Agatha Christie, pas moins mortel, le métrage un peu trop sage et néanmoins soigné amuse et séduit en mineur, presque victime d’une schizophrénie structurelle. Au-delà de la mésentente apparente entre le cinéaste et son scénariste, Le Retour de l’abominable Docteur Phibes souffre d’un défaut d’harmonie, de tonalités contrastées, au risque de s’annuler l’une l’autre. Faire frémir et faire sourire en même temps, dans le même mouvement, pourquoi pas, quelqu’un comme Craven s’y remarqua, pas seulement au moyen du cri méta de Scream, et Phantom of the Paradise (De Palma, 1974), successeur supérieur des mésaventures musicales du médecin défiguré, vengeur, affole par sa frénésie de centrifugeuse, sa générosité satirique. Il manque justement au film jamais funeste de Fuest la folie faustienne et la dimension mélodramatique, double sens, étymologique + lyrique, du chef-d’œuvre du cher et brillant Brian. S’il évite le film de petit malin, le film pour rien, le guère austère Robert privilégie la comédie, certes noire, le divertissement charmant, aux dépens du romantisme maladif, de la passion-fusion (et confusion).



Plus proche du corpus drolatique de Corman, cf. Le Corbeau (1963), que de la poésie poignante de Browning, Le Retour de l’abominable Docteur Phibes reste cependant assez plaisant, un brin languissant, s’apparente à un bon mauvais rêve mis en scène par un cheik d’opérette, à l’orientalisme doucement moqueur, porté par une partition riche et réussie de John Gale. Une suite nécessaire ? Une découverte gentillette.


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