Les Caves du Majestic + Le Coupable : Grand Hôtel + Séduite et abandonnée
Les enfants, les parents, l’air du temps, étouffant ou changeant…
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Coda de Continental écrite par
Charles Spaak emprisonné, Les Caves du Majestic (1945) permet
d’apprécier Albert Préjean habillé en Jules Maigret. Son commissaire dynamique,
sarcastique, lui appartient, lui revient, rien à voir avec les avatars de Jean
Gabin & Bruno Cremer, le davantage obscur Harry Baur (La Tête d’un homme,
Duvivier, 1933), les ponctuelles et surprenantes incarnations de Charles
Laughton (L’Homme de la tour Eiffel, Meredith, 1949) & Rowan
Atkinson. Bien entouré par Mesdames Denise Grey, Gina Manès, Suzy Prim et
Messieurs Jacques Baumer, Fernand Charpin, Jean Marchat, l’acteur-personnage
s’intéresse peu au coupable, « capitaine » de cuisine,
« contrôleur » malfaiteur, maître-chanteur puis tueur de mère vite
(dés)armée, guère aimée. Il préfère explorer le milieu hôtelier, débusquer ses
secrets, se faire désigner, identifier, chaque ustensile, puisque l’innocent
baptise sans y penser, contrairement au cachotiter décontenancé. Tout tourne
autour de pseudo-Suédois, d’un fiston flanqué de deux papas, d’un dilemme
d’actualité : de quoi parle-t-on quand on parle de paternité ? De
génération ou d’éducation, de simple biologie ou de déguisement joli ?
D’attachement ou d’argent ? Cette relecture en huis clos, en studio, du
fameux jugement de Salomon, voire de Simenon, que cite une réplique du dialogue
explicite, se signale par son soin impersonnel, par ses silhouettes doucement
suspectes, par son atmosphère feutrée, presque calfeutrée. Au-dehors, ça sent
la fin, ça sent la mort, l’envers du décor, l’assassinat en masse, la
prolongation de la délation, le populaire Préjean, un peu trop proche des
occupants, séjournera en prison, à la Libération ; dedans, le policier +
son adjoint ensommeillé, victime connotée d’un cauchemar récurrent, running gag de rondouillard, ne
découvrent qu’un seul cadavre et arrêtent fissa le hors-la-loi. Relégué à la
« cave », au sous-sol de classe sociale, architecture très
freudienne, un chouïa marxiste, l’homicide, pas encore transformé par les
lexicographes féministes en « féminicide », aux allures risibles
d’insecticide, le meurtre maternel, jouent le rôle de « retour du
refoulé », risquant d’éclabousser le cortège national de la (pas si) bonne
société sise au-dessus, toujours bienvenue. Bientôt partenaire de Tino (Rossi)
et (Luis) Mariano, Pottier laisse toute la place à Spaak, à son cast pas loin du trois étoiles. Un
festin serein ? Un repas assez sympa.
2
Mélodrame drolatique adapté par
l’estimable Bernard Zimmer, dialoguiste de Liliom (Lang, 1934), scénariste de La
Kermesse héroïque (Feyder, 1935) ou Un carnet de bal
(Duvivier, 1937), Le Coupable (idem)
use et abuse de plans « débullés », comme si la petite bourgeoisie
provinciale qu’il décrit, dont il se moque, se voyait déjà déséquilibrée par
les réformes du Front populaire. Au même moment médecin tout sauf sain,
débusqué par Marie Bell selon le titre désenchanté précité, filmé de la même
manière, diagnostic oblique, Pierre Blanchar rempile, cette fois-ci en étudiant
en droit à Paris, en procureur à succès, adepte de la décapitation à
répétition. Comme Fernand Gravey chez Abel Gance (Paradis perdu, 1940), au
lendemain de la Grande Guerre, sa descendance le tourmente, bambin boomerang esseulé, rasé, corrigé par la
société en maison homonyme, compromis dans une sale histoire, de receleur
trucidé dans le noir. L’aimable Raymond Bernard, loué par mes soins pour sa
trilogie de métrages muets, (re)lisez-moi, pourquoi pas, au sujet du Miracle
des loups (1924), du Joueur d’échecs (1927, Blanchar, bis), de Tarakanova (1930), ou
pour son gloomy Maya (1949), illustra Les
Misérables en 1934 et Jérôme Lescuyer possède une conscience austère,
similaire à celle de Jean Valjean/Monsieur Madeleine. Cependant nul Javert en némésis de police à l’horizon, seulement la justice en marche, en spectacle au
carré. Jamais mieux (des)servi que par lui-même, le redoutable orateur dresse
son propre procès, afin d’édifier son propre fils, assommé sur le banc des
accusés, celui de sa classe désuète, suspecte, au pragmatisme mortel. Madeleine
Ozeray, en mode Lillian Gish, s’affiche en fleuriste sacrifiée, en maman
maltraitée, au cousin courtisan écœurant, rêvant d’uniforme de colon du côté
de Madagascar. Le Coupable s’inscrit ainsi au sein d’une imagerie américaine,
européenne, qui comprend évidemment Le Procès Paradine (Hitchcock,
1947), Autopsie d’un meurtre (Preminger, 1959), La Vérité (Clouzot, 1960)
ou Le
Sang du châtiment (Friedkin, 1987). Théâtralisée, mise en scène, la
parole révélatrice, libératrice, prélude à des retrouvailles musicales, à
l’envie de rattraper le temps perdu, d’évoquer la chère disparue. Placée sous
le signe de l’acquittement, non du reniement, la fable filiale, plaisante,
imparfaite, plaide l’innocence d’une réconciliation intime et collective.
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