True Detective : Les Incorruptibles
Fiat lux, affirme l’athée à crucifix ; merci, Maggie, testamente le mari amendé…
Pour Patrick Peillon,
remerciements renouvelés
Nothing ever works the same way twice
You’ve seen it all
before
John Cale
Cette first season à succès,
infernale saison supposée, Chambers à Rimbaud substitué, débute donc de nuit,
loin des flammes, se termine auprès d’un hôpital, sous les étoiles. On
passe ainsi, durant huit heures, Seigneur, du mystique Tarkovski à
l’astrophysique de Stephen Hawking, d’ailleurs pastiché par le Joy des Experts,
série déréalisée par le scénariste, cf. le supplément musical du troisième
disque, à l’occasion du superflu Superhero Movie (Mazin, 2008).
Succès critique, public, True Detective dut cependant
froisser les féministes, indigner les militants des droits civiques, et bien
sûr irriter l’OTSI de Louisiane. Ici, les femmes se prostituent, servent à des
sacrifices, accessoirement de la came fournissent, se prostituent, font des
révélations à la con, devant mes enfants, mon Dieu, se prostituent, malmènent une amitié masculine, empochent une poignée de dollars, Dolores à la place de Leone. Ici, les Noirs interrogent,
s’interrogent à propos des Blancs énigmatiques, métaphysiques, cyniques, jouent
les prêtres placides, les domestiques délirantes, résident, armés, au milieu
d’une cité au ras du sol, de trafic de drogue, s’amènent à l’ultime minute,
cavalerie évanouie. Ici, au sein d’un Sud assombri à dessein, sévissent les
disparitions, la collusion, la religiosité, les atrocités, le silence,
l’inceste. En vérité, je vous le dis, tout ceci sent assez le réchauffé, la
trame usée jusqu’à la trame, à tort fissa estampillée romanesque. N’en
déplaise au très assuré, catho, Pizzolatto, il ne suffit pas de mixer des
éléments issus de Twin Peaks, Sons of Anarchy et Cold
Case afin d’aboutir à un sommet de radicalité adulte, de surcroît
littéraire, formation et ex-profession
d’un auteur récemment transposé par Mélanie Laurent, prière de serrer les dents
(Galveston,
2018).
Délesté du caractère fantastique,
communautariste, historique du trio précité, déroulé dans un décor à la Memories
of Murder (Bong, 2003), à la Take Shelter (Nichols, 2011), autre
récit imbibé d’épiphanie provinciale, drolatique davantage qu’ésotérique, True
Detective nous refait le coup relou de l’énième tandem de flics asymétriques, à la poursuite temporelle, sinon
interminable, d’un serial killer
incapable de provoquer la peur, de susciter l’empathie, a contrario du boucher quasiment marmot, ne me grondez pas, les
gars, de Massacre à la tronçonneuse (Hooper, 1974), salutations acerbes
aux Texans valant souvent mieux que leur réputation d’épouvante, colportée par
les dérisoires démocrates. Pire, ce portrait compassé, distancié, désincarné, d’une
perversité visionnée en VHS vintage, accomplie/assourdie
par des notables notoirement criminels et impitoyablement impies, des évangélistes altruistes,
sinistres, éventés, respire ou plutôt empeste le puritanisme par procuration,
transforme la sodomie en addiction,
en outil de trahison, à moins que les marionnettes de Michelle & Matthew ne
pratiquent l’express levrette,
certes. En 2019, victimisation de médiatisation ou non, les plans complaisants de poitrines et de postérieurs appartenant au paraît-il deuxième sexe laissent
un peu perplexe, ne se justifient point par la diégèse, même si McConaughey s’y
colle à son tour, fessier immaculé, régale-toi, lecteur classé gay, repense, cinéphile fétichiste, à sa
fellation au pilon, de poulet, of course,
sens duel, mitonnée par Friedkin & Letts, couple hétéro d’humoristes
sarcastiques, selon l’idem sudiste et
autarcique Killer Joe (2011). Ni M le maudit (Lang, 1931), ni Le
Sang du châtiment (Friedkin, 1987), cimes d’abîmes, requiem individuels, nécrologies de
psychologie, de sociologie, réflexions en action(s) sur l’insanité, la justice,
l’insupportable solitude avec soi-même, sa propre monstruosité d’humanité
miroitée, magnifiée, par des cinéastes audacieux, talentueux, True
Detective évacue le trouble avéré, esquive les victimes, refourgue la
pédophilie rassie, de capitaliste sacristie, manie le manichéisme et
l’héroïsme, de préférence masculins, hein, postures pénibles, impossibles,
risibles, autant que l’humanisme œcuménique, bien-pensant, bien-écrivant, bien-filmant,
que la culpabilité partagée, prônée par Cohle en écho texto au supérieur
pessimiste, misanthrope, du commissaire Mattei, mémorable André Bourvil guère
insulaire, remember Le Cercle
rouge (Melville, 1970).
D’après pareille piètre perspective,
la chair exaspère, indiffère, l’existence désolante, bégayante, suite de sketches programmés pour la
reproduction, ah bon, ne mérite qu’une renaissance, au sortir de tunnels
platement utérins. Une fois son dragon d’ogre obèse terrassé d’une balle dans
la tête, rime mortelle au premier tourmenteur tout tatoué, Rust, émule de saint
Michel endeuillé, encore traumatisé par ses trips
au LSD d’insider à contrecœur, de
jadis, aperçoit l’espace, vertige du vortex,
presque trépasse, quitte le coma tel un certain Lazare, ressemble à Jésus
ressuscité. En larmes, il parle à son ami Marty de sa fifille défunte, de son
vieux vétéran du Vietnam, confie, confesse, avoir ressenti leur présence, leur
âme, témoignage bienheureux de NDE, en arrive, lui, ce nihiliste prisonnier de
sa lucidité, ce laïc, éthique et obsessionnel missionnaire moralisateur, muet,
peu porté sur la position du même nom, à vénérer l’Amour, amen, à vérifier, visage stigmatisé levé en l’air, la victoire sur
l’obscurité de la lumière, mon frère, amen,
bis. L’ensemble, soigné, impersonnel,
l’expressivité du réalisateur Fukunaga, signataire du script de l’insipide Ça (Muschietti, 2017), se limitant à
un plan-séquence remarqué, à défaut d’être remarquable, habile mais un chouïa
stérile, de nocturne descente déguisée, tout sauf crédible, policiers d’emprunt
en toc, racistes et barbus à la ZZ Top, tendait par conséquent vers ce sermon
métaphorisé, cette conclusion paupérisée, catharsis rassurante et promise à la
popularité. Demeurent, en manière de rédemption, les interprétations
irréprochables de Harrelson & McConaughey, potes pour de vrai, le travail
pertinent sur la texture des images, des périodes, permis par l’emploi
d’objectifs précis, différenciés, la photographie évocatrice, en 35 mm, please, dirigée par l’Australien Arkapaw
(le familial, fatal Animal Kingdom, Michôd, 2010).
Conte de fées défait, reconstitué,
élaboré à base de mensonges au carré, de maltraitances recouvertes
d’indifférence, de châtiment médiatique, peine postale, de logorrhées attablées,
à prétentions philosophiques, probablement découpées dans le Reader’s
Digest, Pizzolatto s’auto-pique le temps d’une réplique amusée de
circularité chipée à Nietzsche, True Detective donne à entrevoir,
pendant une seule scène, celle des dessins obscènes de la gamine de Martin, ce
qu’il pouvait viser, ce pour quoi il voudrait bien être pris, applaudi, à
savoir un voyage au bout de la nuit, littéral et magistral, symbolique et
unique. Aux salacités de papier, commanditées par des comparses dépourvues de
pénis, s’excuse la gosse le cœur gros, entre les bras de son papa, Sigmund
salive, répond la nudité dérangeante, dérangée, d’une poupée cernée par des
petits mecs en plastique, comme pour commettre un sidéré, sidérant, gang bang domestique. Le spectateur soudain
s’inquiète, en viendrait à suspecter le grand-père friqué, qu’offusquent les
manifs LGBT, qui se plaint du sexe omniprésent, d’une décadence nationale, aux
origines attribuées à Clinton, amateur de cigare et de secrétaire, misère.
Hélas, Laura Palmer ne possède pas de petite sœur, en dépit de patronymes
français réutilisés, les durs Ledoux à la place des frérots Renault,
explication coloniale et mythe outre-Atlantique du French Lover, voire
performeur, de blue movie, ma chérie.
Audrey Hart, Lolita voleuse vicieuse de couronne, adolescente gothique de plan à trois
pas sympa, les deux adeptes de la DP corrigés par le papounet ganté, à coups de
poing en cellule, ou alors tu veux la prison, mon garçon, que l’on t’y encule,
reprise du motif de l’analité, olé, finit guérie, policée, médicamentée, au
chevet de Marty ému, entouré par sa famille enfin réunie, exorcisme in extremis d’horreurs réelles, à vomir,
débarrassées du carnaval cabalistique. L’athéisme se métamorphose en
agnosticisme, la noirceur s’éclipse face à la lueur, l’opus divertissant, pas stressant, rétif à la fureur, s’assume
conservateur.
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