La Disparue : Garde à vue
Memento du logo, tragédie du déni…
La Disparue (Lee, 2018) débute par du
fantastique, se poursuit par du psychologique, inclut de l’humoristique, se
termine en thriller, se trame en
mélodrame : il s’agit donc bien d’un film sud-coréen, de surcroît d’un
premier métrage, dont la maîtrise formelle ridiculise les essais souvent
affreux du ciné français, charité cinéphile ordonnée commence ici, osez
regarder ce qui sort aujourd’hui. Hélas, le widescreen
sert à cadrer du vide, néanmoins le bleu métallique éclaire du rien. Le lecteur
doit désormais savoir la passion de votre serviteur pour les imageries
asiatiques en général, les productions issues de Séoul en particulier ;
raison supplémentaire pour regretter ce ratage au bel emballage, qui pourra
pourtant vous emballer, disons durant une indulgente soirée. Vaudeville
dépressif assorti de vengeance en effet glacée, déterrée, La Disparue déploie une
femme d’affaires refroidie, un professeur adultère, un flic alcoolisé, une
étudiante cultivée. Tout ce petit monde assez immonde dialogue et se déchire
pendant une centaine de minutes, sur fond de trahison(s), d’accident, de
catalepsie, de culpabilité partagée. En vérité, le spectateur lui-même menace
de sombrer dans le sommeil éveillé, tant l’intrigue s’étire et se résout de
façon assez reloue. Pour résumer, le policier endeuillé ne pardonne rien et la
sœurette de son épouse défunte non plus, gare au coupable-notable, mis en garde
à vue à la Serrault chez Miller (1981), la tromperie médicale homicide
substituée à la pédophilie meurtrière soupçonnée, amen. Marxisme de maternelle et « violences faites aux
femmes » s’avèrent par conséquent au programme du divertissement
inoffensif, de la machination de saison, quelque part au croisement de L’Exorcisme
de Hannah Grace (van Rooijen, 2018) et Old Boy (Park, 2003).
Face à deux autres Kim patronymiques encore
plus anecdotiques, le masculin Kang-woo et la féminine Hee-ae, Mister Sang-kyeong semble provisoirement
aux abonnés absents, Machiavel à la truelle, à la renversée poubelle, loin du
convaincant inspecteur de Memories of Murder (Bong, 2003). Autour
de lui, les silhouettes suspectes, esquissées en accéléré, ressemblent à des
spectres désincarnés, pardon du pléonasme. Trop joli, trop poli, La Disparue
ne vibre jamais de douleur, de rancœur, en dépit d’un synopsis qui s’y prêtait.
Lee s’amuse avec sa caméra, la vitesse de défilement des images, se paie un
grand plan en grue, au début, de presque parvenu, en écho à un certain Argento,
ténébreux ou opératique, néon lynchien, nom d’un chien, s’offre une poignée de
ralentis mortifères, de cérémonie mortuaire ou de pluie nocturne en plein air.
Puccini et son papillon nippon servent de doublon au délaissement, la
vidéo-surveillance ne prouve que la manigance motorisée, olé. Le Lee en oublie
l’ironie, l’absence de merci, salue Ford au cimetière, présage funeste, puis, in extremis,
nous révèle de manière expéditive les guère stimulants « tenants et
aboutissants » de son opus
insipide, aussi lisse et impersonnel que les costards du friqué materné, épris
de paternité, émule de Mengele en mode individuel, sa face reflétée au sein du
frigo macabro, les miroirs, fantomatiques ou point, toujours pertinents afin de
figurer une schizophrénie invisible, avérée. Si la coda douce-amère, d’aube
crépusculaire, s’interprète en écho à Seven (Fincher, 1995), la tête
décapitée remplacée par la dépouille retrouvée, en intégralité, au linceul
immaculé, Lee rappelle le sinistre Shyamalan et ses gamineries méta, de minable
malin pas une seconde brechtien, dresseur cynique de chics pièges perceptifs, censés
représenter des sommets de pensée phénoménologique, psychotique ou héroïque, à
transformer les foutaises de Femme fatale (De Palma, 2002)
en facéties satisfaisantes. Les cinéastes s’investissent, les usurpateurs
surplombent, CQFD transfrontière, mon cher, moralité du soufflé fissa retombé,
réchauffé, en hangul, ma poule.
Commentaires
Enregistrer un commentaire