Les Lois de l’hospitalité : Querelle


Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Jack Blystone & Buster Keaton.


Our Hospitality (1923) commence comme Le Vent (Sjöström, 1928) et pourrait se situer en Corse, vendetta nous voilà. Cette « Metro Attraction » quitte ensuite le mélodrame du « Prologue » pour s’orienter vers la comédie de la « Story ». Orphelin délocalisé, héritier désargenté, proie pourchassée, William McKay finira par embrasser/enlacer/épouser la virginale Virginia Canfield, fille-sœur de ses ennemis à domicile, qu’il vient de repêcher des rapides, avec laquelle il voyagea. L’ultime gag dépose les armes, de manière littérale, le mariage en médicament désarmant contre leur maniement américain et la malédiction ancestrale, disons méditerranéenne. Tout ceci, parti de New York riquiqui, méconnaissable carrefour rural, surréaliste, de la Rue 42 et de Broadway, se passe dans le Sud US, renommé pour son hospitalité, même à main armée, par conséquent inclut un domestique « de couleur », en réalité recouvert de cirage, pratique cinématographique d’un autre âge. Sorte de Roméo et Juliette à la sauce western, Les Lois de l’hospitalité paraît préparer le terrain ferroviaire et familial, historique et géographique, du Mecano de la « General » (1926) et de Cadet d’eau douce (1928), où Buster fusionne, se dénomme William Canfield. Sur fond de Sécession, de succession, de Keaton et son fiston, Keaton et sa compagne, Natalie Talmadge, elle-même liée à Joseph Schenck, mari de Norma sa sister, accessoirement co-producteur et futur directeur de United Artists, Buster et son propre père, Joe, cerveau de loco, l’argument du métrage, écrit par les fidèles Bruckman, Havez, Mitchell, nous entraîne le long d’un périple picaresque et spectaculaire, doté d’un bestiaire comprenant un cheval, deux chiens, trois vaches et un âne presque à la Robert Bresson (Au hasard Balthazar, 1966).



Ici DP, Jennings reçut un Oscar posthume, anonyme, pour les « effets visuels » de La Guerre des mondes (Haskin, 1953) ; il travaille en tandem avec le régulier Lessley, cadreur incontournable, remarquable, auquel le plaisant opus doit une grande partie de sa plénitude millimétrée, encore conservée, surtout restaurée par Lobster, escortée par une partition pertinente du spécialiste Robert Israel. Face à BK, l’amical Roberts ne démérite pas, loin de là. Relevant désormais du « domaine public », Les Lois de l’hospitalité connut un succès mérité, mérite sa renommée. Code de l’honneur, présence de pasteur, orage d’ouverture et pluie salvatrice, barrage explosé, robe empruntée, chute d’eau contournée : sur son vélo privé de pédales, sur ses falaises verticales, Buster Keaton ne se contente pas de co-réaliser l’un des sommets de sa filmographie, qui ridiculise la majorité du cinéma contemporain, pas seulement celui dit d’action, par sa beauté, sa vitalité, sa lucidité, sa tendresse empêchée, sa drôlerie distinguée, inaccessible à la vulgarité, qui, de surcroît, sans efforts, distance la démonstration médiocre d’un Michael Moore (Bowling for Columbine, 2002). Il accomplit mieux, il érige une Americana ludique, œcuménique, en rime inversée à celle, mélancolique, mythique, de La Splendeur des Amberson (Welles, 1942), similaire et différencié retour au lieu de naissance, de décadence, vingt ans après, amitiés aux mousquetaires de Dumas. Ouvrage à la fois collectif et individuel, artisanal et artistique, populaire et personnel, Les Lois de l’hospitalité itou s’apprécie en petit précipité de communauté d’Amérique, de fabrique filmique, tandis que le possessif du titre original paraphe la provenance, la triple appartenance, invitant le souriant spectateur présent à partager un repas précieux.   

    

Commentaires

  1. La drôlerie distinguée, ça se fait rare dans le milieu artistique de nos jours,
    c'est ce qui me fait apprécier le côté touchant du chant parodique de ce magnifique artiste qu'est Jean Guidoni...: la boudeuse...https://www.dailymotion.com/video/xs46j

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