China Moon : En direct sur Ed TV
« Ne pas perdre le nord »
ou ramer vers sa mort…
China Moon (Bailey, 1994) commence comme Chinatown
(Polanski, 1974), par un adultère photographié ; on le doit d’ailleurs au
directeur de la photographie de American Gigolo (Schrader, 1980), La
Féline (Schrader, 1982), Le Pape de Greenwich Village
(Rosenberg, 1984), Mishima (Schrader, 1985), Un jour sans fin (Ramis, 1993), Dans
la ligne de mire (Petersen, itou), Pour le pire et pour le meilleur
(Brooks, 1997), Incident au Loch Ness (Penn, 2004) ou Les Producteurs (Stroman,
2005). Puis il se poursuit tel La Fièvre au corps (Kasdan, 1981),
Floride idem, meurtre du mari, instrumentalisation
sentimentale. Bailey travaille en tandem,
puisque son épouse Carol Littleton, accessoirement monteuse de La
Fièvre au corps, encore, E.T., l’extra-terrestre (Spielberg,
1982), Grand Canyon (Kasdan, 1991), Ce que veulent les femmes
(Meyers, 2000) ou Un crime dans la tête (Demme, 2004), assemble l’ensemble, ici
assistée par Jill Savitt (Buffy contre les vampires, Fenêtre
secrète, Koepp, 2004 ou Balade entre les tombes, Frank,
2014). Contrairement à Peter Hyams, il n’éclaire pas une (des rares) fois passé
derrière la caméra : Willy Kurant le remplace, après Une histoire immortelle
(Welles, 1968), Je t’aime moi non plus (Gainsbourg, 1976) ou Sous
le soleil de Satan (Pialat, 1987). Au niveau de la BO, George Fenton (La
Compagnie des loups, Jordan, 1984 ; Les Liaisons dangereuses,
Frears, 1988 ; Un jour sans fin ; Land and Freedom, Loach, 1995 ;
Mary
Reilly, Frears, 1996 ; Anna et le Roi, Tennant, 1999 ;
Sweet
Sixteen, Loach, 2002 ou La Part des anges, Loach, 2012) se
substitue à Jerry Goldsmith & John Barry. Modèle méconnu de « néo-noir »,
discutable dénomination d’outre-Atlantique, écrit par le guère prolifique Roy
Carlson, China Moon vit sa sortie retardée, la société Orion alors en
manque de liquidités. Au box-office,
le film peu distribué ne connut pas le succès. On peut désormais, à l’instar de
votre serviteur, le visionner en ligne, en widescreen,
en VO non-sous-titrée, en 360p acceptables, sinon le (re)découvrir en BR, doté
d’un commentaire.
Pour résumer, disons qu’il s’agit
d’un téléfilm soigné, tout sauf déplaisant, mais hélas jamais surprenant. Franchement,
depuis le temps, on va finir par savoir qu’il existe, en tout cas au cinéma,
des « femmes fatales », salut au plantage du magistral Brian De Palma
(Femme
fatale, 2002), des mecs menés par le bout de la bite, des combines
capitalistes condamnées à capituler. Certes, si le scénario essaie d’équilibrer
la misogynie/misandrie de l’imagerie rassie, de contrebalancer le machiavélisme
avéré par un soupçon de sincérité non simulée, tout cela paraît bien réchauffé,
cf. Le facteur sonne toujours deux fois (Garnett, 1946), tout ceci respire le
musée de cire, empeste le moralisme un brin racoleur, poitrines topless aperçues comprises, coda de
double exécution incluse. Cette Lune rouge d’intitulé français
coloré, presque politique, ne ressemble en rien au satellite sanglant de
Shakespeare & Ellroy, elle provient d’un souvenir de grand-mère, elle
souligne, de manière scolaire, la supposée insanité sélénite. Dans China
Moon, une épouse trompée, giflée, s’avère une petite salope intéressée,
le flic trop romantique tombe de haut, copule au clair de lune, enfouit un
cadavre au fond de l’eau, se transforme en complice, perd ses illusions, sa
peau, tandis que le partenaire perfide périt, ouf – à vrai dire, personne ne
s’en soucie vraiment. Heureusement, l’ouvrage réunit/repose sur des gens de
talent, capables de ranimer les archétypes momifiés, de déterrer la lumière
sous la poussière. Grâce à Madeleine Stowe & Ed Harris, Benicio del Toro
& Charles Dance, le spectateur ne perd pas totalement son temps. Grâce au
cri remarquable de la dear Madeleine,
célébrée par mes soins amourachés à l’occasion de Blink (Apted, 1994), au
sourire irrésistible du sieur Harris, Pollock (2000) pas en toc, à
l’ironie discrète de Beni, à la sévérité-ébriété de Charley, China
Moon charme en mineur, divertissement dispensable, toutefois
fréquentable, de samedi soir, sans désespoir.
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