La Dame de Windsor : Highlander
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de John
Madden.
Un téléfilm inoffensif ? Sans
doute, cependant plaisant. Treize ans avant L’Affaire Rachel Singer
(2010), (re)lisez-moi ou pas, Madden devance le Stephen Frears de The
Queen (2006), Helen Mirren idem.
Mrs.
Brown (1997), dénomination moqueuse de monarque a priori trop proche de
son « palefrenier », cartographie une royauté recluse, menacée à
distance par le républicanisme, dépeint un double portrait, celui d’une femme
endeuillée, régie par le ressentiment, préférant le drame de l’exil à la
comédie de la vie civile, celui d’un homme amical, loyal, Écossais censé
ressusciter Sa Majesté, qui y perdra sa crédibilité, sa santé. La meilleure
part du métrage réside dans la dynamique drolatique, tendue-tendre, du couple
improbable, impossible, interprété de manière impeccable, récompensée, par Judi
Dench & Billy Connolly, vrai-faux sosie de John Cleese, natif de Glasgow
croisé selon Fido (Currie, 2006) ou X-Files : Régénération (Carter,
2008), dans la dimension d’ascension puis de chute d’un serviteur éloigné de
Losey (The Servant, 1963), annoncée dès les premières minutes, de
buste jeté, cassé, d’obscure forêt affolée, esseulée, course saisie en caméra
portée, trempée, propice à la paranoïa, à la pneumonie. Avec ou sans steadicam, le cinéaste s’appuie sur un
scénario serein, jamais manichéen, de Jeremy Brock, collaborateur régulier de
Kevin Macdonald, notamment sur Le Dernier Roi d’Écosse (2006) et L’Aigle
de la Neuvième Légion (2011), autres chocs culturels, sous la forme du
dialogue.
Film ludique et mélancolique, cet
aspect souligné par la partition pertinente de Stephen Warbeck (Suspect
numéro
1 à la TV, Mademoiselle Mirren again,
Billy
Eliott, Daldry, 2000 ou Polisse, Maïwenn, 2011 au ciné), La
Dame de Windsor, co-produit par la BBC Scotland, bénéficie du précieux savoir-faire
britannique en matière de direction artistique, de direction photographique, ici
signée Richard Greatrex (Shakespeare in Love, Madden, 1998),
de casting choral, mentions spéciales
aux juvéniles Sara Stewart (Tournage dans un jardin anglais,
Winterbottom, 2005) & Gerard Butler (Le Fantôme de l’Opéra,
Schumacher, 2004 ou 300, Snyder, 2006), d’ailleurs tandem écossais, au vétéran Geoffrey Palmer (Un poisson nommé Wanda,
Crichton, 1988, Demain ne meurt jamais, Spottiswoode, 1998, Anna
et le Roi, Tennant, 1999). Déguisé par la bande-annonce de Miramax en
reconstitution sentimentale, distribué en salles par un Harvey Weinstein sous
le charme, alors encore fréquentable, sic
transit gloria mundi, comme on dit, Mrs. Brown ne révolutionne rien, pas
même au sein de son récit, retour aux affaires finalement accompli, ordre
rétabli, respire le Premier ministre lecteur-citateur de Voltaire écourté,
« La superstition met le monde entier en flammes », la philosophie
les éteindrait, ah ouais ? Il constitue néanmoins une étude de caractères
tout sauf austère, remplie de poussière, à réserver aux historiens, aux
psychanalystes, la Reine, la Mère, amen,
aux nostalgiques du temps jadis, disons ante-guillotine,
renversement de régicide.
Faut-il être membre du « Royaume-Uni »,
en français dans le film, proféré avec un amusant dédain avéré par le prince de
Galles ensuite secoué, refoulé, par le montagnard sur le seuil, afin
d’apprécier pleinement l’opus clément ?
Not at all, même si les contes de
trônes s’apparentent pour nous, plume et peuple, à de dérisoires fariboles,
tant pis pour Shakespeare et ses psychoses au sommet, sens duel. Demeure donc,
à visionner en VO, accents incontournables, une fable assez affable, très
douce-amère, sur les rapports de classes, la diplomatie publique et intime, la
représentation et le pardon. Quand Victoria, en larmes, infirmière improvisée, se
penche sur son pauvre corps couché, Brown lui souffle, souriant, « Pas
trop près », paraphe ainsi la juste distance de bienséance, sociale,
médicale, à respecter. Dans ce geste pragmatique, poignant, se loge la force
fragile du personnage et de l’ouvrage, dont la sensorialité discrète, l’estimable
sincérité, parviennent à équilibrer, voire à ranimer, un classicisme rétif au
style, à l’affrontement. Sage à défaut de sauvage, La Dame de Windsor
heureusement n’endort (le cinéphile anglophile) et séduit par sa soignée
modestie, son histoire d’amour d’outre-tombe et d’amitié contrariée.
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