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Un métrage, une image : Le Festin nu (1991)


Film de fusion, fi de confusion, Le Festin nu fédère un roman de William S. Burroughs, une biographie de Ted Morgan, un bestiaire à la Bosch, une entomologie à la Kafka & Nabokov. Pas seulement, puisque la coda – un homme vivant pleure (sur) une femme morte – redessine le final lacrymal de La strada (1954), DC admirateur avoué de Federico Fellini, car Stanley Kubrick, illustrateur assez inspiré d’un autre totem de papier réputé « inadaptable », Lolita, oui-da, se tient en embuscade, Shining (1980) similaire et différencié « conte de la folie ordinaire » d’un écrivain assassin, salut à la secte de Hasan-i Sabbâh, citation liminaire révolutionnaire, à la Kirilov de Dostoïevski, lui-même « Vieux de la Montagne » en référence à Torrance perché sur sa démence de sommets enneigés, en huis clos psycho(logique/tique). Comme à l’Overlook et contrairement à Colette, il ne s’agit plus de chercher (sa) la dame mais de trucider Eurydice, de préférence à la William Tell aviné, en visa d’Annexia, par deux fois, donc. Œuvre sommative et somatique, Le Festin nu reprend la machination médicale/développe le sous-texte esthétique de Scanners, rend ludiques, scatologiques, les sinistres hallucinations SM de Vidéodrome, modifie la mutation de La Mouche, renverse le triangle à sangles de Faux-semblants, annonce la question transgenre de M. Butterfly et la réflexion linguistique de Crash. Il s’agit, aussi, d’un film d’amour adulte, du troisième volet discret, de coûteux insuccès, d’une tétralogie jolie, composée par les couples enragés, endeuillés, soudés, de Chromosome 3, Dead Zone, A History of Violence. Ici, au sein de l’Interzone du cinéma, du cerveau, l’extermination côtoie la création, la mélancolie la black meat, New York Tanger, merci à Saddam du tournage délocalisé, de l’opus par conséquent mental, pleinement, aux paysages de pure image, aux panoramas agrandis de panneaux translucides. Après l’épisode nazi de Dead Zone et avant la reconstitution millimétrée de A Dangerous Method, Le Festin nu recrée le passé, impossible à récréer, y compris selon Lyndon Barry, tant pis pour Denise Cronenberg & Carol Spier.

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Commentaires

  1. Les systèmes organiques. "Leurs composants se fondent partiellement en eux en interagissant, parfois très fortement, avec les autres, parfois jusqu'à perdre leur propre identité et former, avec d'autres, une entité interne distincte. Le tout d'un système organique est bien plus que la simple somme de ses parties puisqu'aux composants eux-mêmes, viennent s'ajouter toutes ces interactions puissantes qui, à leur tour, engendrent parfois des structures dites émergentes. Ainsi, un bon vin est bien plus que la juxtaposition de quelques milliards de molécules chimiques ; ces molécules interagissent entre elles, se fondent ensemble pour donner une "chair" au vin, et de ces interactions subtiles vont surgir des arômes complexes et secondaires comme autant de nouvelles propriétés émergentes. Un bon vin forme un tout organique dont aucune analyse chimique ne pourra jamais révéler le vrai secret (puisque celui-ci naît des interactions entre les molécules et non de celles-ci)."
    Marc Halévy
    "On comprend, dès lors, pourquoi les méthodes analytiques si chères au cartésiens de tous poils, ne conviennent pas aux systèmes complexes organiques : chaque fois que le scalpel de l'analyse intervient, il coupe et brise les délicates interactions entre les composants qui constituent l'essentiel du système étudié et de ses caractéristiques les plus vives, les plus fondamentales. Si l'on disséquait un être vivant (Descartes était un grand partisan de la vivisection), assez rapidement on le tuerait et l'on n'analyserait plus que les composants morts de ce qui, naguère, avait été vivant. La vie est une propriété émergente non réductible à ses composants chimiques, comme la pensée ou la conscience sont irréductibles à leurs composants neuronaux."
    de la qualité émergente du propos du film, des liens, connexions, votre billet en est un beau témoignage...

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    Réponses
    1. Assez juste perspective holistique, pas si loin du mysticisme en miroir - le corps//le cosmos - de William Blake...
      Ornette rules :
      https://www.youtube.com/watch?v=n0h_jMw0mTk
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2017/05/ornette-made-in-america-saxo.html
      Sur le cher Shore :
      https://mcronenberg.wordpress.com/2016/07/13/lharmonie-des-arteres/
      Descartes et des télépathes :
      https://mcronenberg.wordpress.com/2016/11/18/je-pense-donc-je-detruis/

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