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La fin de Netflix ? Le cycle du recyclage…

Affaire de fric, annonce symbolique : Amazon dispose donc désormais du gros catalogue de la MGM elle-même. On sait que ce studio presque centenaire possède un CV assez agité, cas d’école pour spécialistes ès faillites. On se souvient des épisodes plutôt pénibles de son feuilleton financier, du kolossal Kirk Kerkorian, de l’éphémère Ted Turner, de l’Asie selon Sony, du transalpin Giancarlo Paretti, épaulé par un certain Crédit Lyonnais, olé. La fameuse firme du lion à la con, dotée de sa devise autarcique ou cynique, l’art pour l’art, à moi les dollars, subit aussi le démantèlement antitrust et des dettes à perpète, dont un faramineux fiasco dû au mégalo mais pas démago Michael Cimino (La Porte du paradis, 1980). Néanmoins « major » en or, elle accumula moult succès, assortit un essaim de « stars », déploya des producteurs de valeur, citons les noms d’Irving Thalberg, de David O. Selznick, du tandem William Hanna & Joseph Barbera, dessinateurs défunts sans doute sidérés par le tout sauf mimi et assaisonné à la pseudo-sauce curry Tom et Jerry (2021) de Tim Story. Si le satirique Tex Avery, jadis transfuge chez l’austère Warner, sut se gondoler de la « divine » Greta Garbo (Une soirée hollywoodienne, 1941), si le remarquable et remarqué Vincente Minnelli parvint à y tracer sa voie, à y donner de la voix, le moralisateur Louis B. Mayer, de Judy (Garland) d’ailleurs le dealeur, se fit in fine remercier, dut se casser d’une entreprise par ses soins co-créée, « loi du marché » délestée de pitié, mêlée à des luttes internes et intestines de rivalités dites viriles, merde ou merci au supposé davantage « engagé » Dore Schary. Tout ceci, étrange mélange de cinéphile et d’industrie, le bébé de Jeff Bezos s’en fiche, par contre il s’affole et raffole des « franchises » acquises : les séries en série de James Bond, Le Hobbit, La Panthère rose, La Revanche d’une blonde, Rocky et même celle de The Handmaid’s Tale tombent (bien) dans son escarcelle plurielle.

Du distributeur au diffuseur, la problématique se décuple – il convient de vite trouver du « contenu » pour combler le canal et coller au petit écran (im)mobile le téléspectateur plus ou moins exigeant. Puisque le passage en salle s’avère a fortiori une formalité datée, cf. le contexte perplexe du psychodrame pandémique, ses effarants et surréalistes « confinements » successifs, sa fusion-confusion des espaces privés et publics, personnels et professionnels, la « vidéo à la demande » à la mode américaine ricane déjà de l’anachronique et quasi franco-française « chronologie des médias », du calendrier à bousculer, mise sur le prestige, la vitrine à domicile aux adorables friandises, applaudit pardi le pactole de plate-forme de la « propriété intellectuelle » à la truelle. Modèle admirable en matière de droit du travail et de défense syndicale, la boîte marxiste de Seattle se prévoit un avenir radieux, bienheureux, à bas le morose, vive Le Magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939), pourra décliner ou dénaturer les identités à volonté, à satiété, Prime Video placé en parallèle à Amazon Studios, où bossèrent illico des collabos, terme « connoté », en effet, du calibre de Woody Allen, Jim Jarmusch, Spike Lee, Gus Van Sant ou Luca Guadagnino, Todd Haynes, Paweł Pawlikowski, Marc Webb, Nicolas Winding Refn. Tandis que Thierry Frémaux s’extasie devant « l’extraordinaire démocratie artistique du cinéma », plaisanterie sinistre d’un mec respirant sur une autre planète, dommage pour l’hommage à la chère Jodie Foster, alors que Mariano Llinás, le co-scénariste du loupé El Presidente (Santiago Mitre, 2017), associe la fin des cinés à celle du ciné, fichtre, Amazon, que l’on s’en réjouisse ou que l’on s’en désole, nous sert à tous une excellente leçon de réalisme économique et idéologique, de déversement du divertissement, de patrimoine malléable, de nostalgie si jolie.

Démuni des missions de conservation, restauration et transmission des cinémathèques étatiques, exonéré des frais des exploitants, de leurs aides idem, le mastodonte emblématique du commerce numérique, de la vente à distance, par correspondance, qui débuta via les livres, diversifia fissa son offre de « produits culturels », se soucie aujourd’hui d’étoffer son fonds, de développer, repenser, peut-être corriger les erreurs du passé, en tout cas ainsi perçues par notre (politiquement) correcte et médiocre modernité, car Autant en emporte le vent (Fleming, 1939) et les estampillés préjugés racistes et sexistes d’antan, mon enfant. Les pessimistes parleront de « dystopie », de clou supplémentaire au creux du cercueil des images d’un autre âge ; les optimistes parieront à la Pascal sur les possibilités de la curiosité, une pédagogie de (4 000) films à l’infini.          

Commentaires

  1. Merci pour ce beau billet piquant, rempli d'informations et non dénué d'humour, en effet il y a tout à parier et rien à perdre soi-disant, hormis son âme mais qui y croit encore dans ce monde "mécanico-maniaco matérialiste" ?.
    La déconstruction à l'oeuvre en passe par la boite à images, l'écran, le portable, pour se transmuter dans un "viens ici ma pupuce",
    la pandémie, selon ma petite opinion, n'a fait que précipiter un processus déjà bien enclenché, certains et certaines feraient tout pour pouvoir partir en vacances...le plus souvent aussi formatées que le business et reproduisent les comportements vus à l'écran tout en devenant indifférents à la réalité qui les entourent, on pleure ou on rit à l'écran mais ailleurs on reste de glace, et c'est une sorte de tragédie que celle-là parfois......

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    1. https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2020/11/hold-up-virus-cannibale.html

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