Paulette

 

Un métrage, une image : Adieu… Léonard ! (1943)

Pour Jacqueline & Jacqueline

À croire Houellebecq un « con », allons bon, j’avoue volontiers que Jacques le scénariste m’indiffère, son dialogue de Remorques (Grémillon, 1941) je vois à travers, à propos des Paroles pas drôles du piètre poète je préfère me taire, par pure charité littéraire. Pourtant, puisque invitation à sa découverte signée de la cinéphile Jacqueline, je visionnai vite le métrage méconnu, dont nul ne se lamente, en tout cas pas moi, qu’il le demeure à cette heure. Point Continental production, ce conte à la con, bis, cristallise donc la pseudo-pensée politique de Prévert, qui confond à fond anarchisme et crétinisme, romantisme et sentimentalisme. Histoire d’un assassinat sans cesse imposé, refusé, repoussé, Adieu… Léonard ! constitue comme un codicille anecdotique au Crime de monsieur Lange (Renoir, 1936), autre titre préoccupé par la communauté, le cœur, le labeur, le meurtre motivé, sinon légitimé, le patron supprimons, les coudes prolétaires nous serrons. Accompagné de Pierre, son frère éphémère, Prévert peut-être s’imagine en successeur de Dostoïevski, Ludovic L’Idiot à lui. Hélas, surtout pour le  réalisateur transparent, pour le spectateur impatient, la bonté ne se réduit à la prodigalité, l’authenticité ne se situe au niveau de l’hospitalité, la lucidité ne procède de la méthode Coué. Que Prévert vomisse les artistes parasites, les Machiavel de maternelle, les vilains villageois, pourquoi pas ; qu’il leur oppose, en guise d’apothéose à proximité, d’utopie matérialisée maintenant et ici, cet éloge-ci, celui de la bêtise bienheureuse, de la ruine riante, de la route en roulotte de « romanichels » tracés à la truelle, ça ne passe pas. Le plébiscite satirique des « petits métiers » au mieux participe d’une morale provinciale, au pire pratique un marxisme mal assimilé, anticipe un  poujadisme franco-français. L’hédonisme ensoleillé, le détachement de l’argent, la fuite en famille adoptive, s’affirment en artifices factices, s’apparentent à des plaisanteries sinistres, a fortiori à une époque sombre, démunie et soumise, au « florissant commerce » des « farces et attrapes » en effet peu propice. Du naufrage à base de cocufiage, cambriolage et cousinage surnagent néanmoins un casting choral impeccable, mention spéciale à l’incontournable Carette, et les présences précieuses de Gaby Wagner, voleuse envolée, de Denise Grey, mécène musicienne, de Jacqueline Bouvier, bientôt blonde et Pagnol renommée, au passage par mes soins provençaux portraiturée. Dans Adieu… Léonard !, Charles Trenet chante, s’enchante, ne déchante, tandis que Brasseur subit le châtiment du lynchage, foutue formalité face à la meute domestique des Yeux sans visage (Franju, 1960)…             

Commentaires

  1. Une curiosité en effet à l'aune de l'époque trouble tout en faux semblants et tentatives poétiques trop bienséantes peut-être pour faire vrai, quoique le côté argent dilapidé pour le fun et nomadisme pourrait parler à certains aspects de notre temps version consommation de l'héritage ; et le reste de rejet plus ou moins acerbe à volonté selon sa préférence critique, quand les générations futures regarderont les films à l'affiche et appréciés par certains spectateurs, spectatrices, séries netflix en particulier, peut-être que le haut le coeur poursuivra son chemin au travers des générations...

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    1. https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2016/07/un-jour-sans-fin.html

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