Artemisia

 

Un métrage, une image : Frida Kahlo (2020)

Après le destin sympathique (Frida, Taymor, 2002), le dessin historique (Josep, Aurel, 2020), voici donc les dernières révélations à propos du peintre, puisque l’on promettait de portraiturer une personnalité, en sus de retracer une artiste. Hélas, le vœu pieux boit vite la tasse, surtout de tequila, oui-da, car ces quatre-vingt-dix minutes de ripoliné tumulte se cantonnent à ne jamais dépasser de la doxa les bornes. Documentaire linéaire et scolaire peuplé de transparents experts, Frida Kahlo (Ray, 2020) consacre par conséquent, à l’avenant du tout-venant, une icône laïque de la modernité tendance doloriste, sinon la figure de proue d’un féminisme mâtiné d’exotisme, à Mexico ou à l’hosto. Les Femmes artistes sont dangereuses affirmait la drolatique Laure Adler, toutefois rien de risqué au sein trop sain de ce travail soigné, aseptisé, de cette évocation britannique, didactique et anecdotique, sise sous le sceau de l’autobio (graphique), en reflet ou en photo, des métamorphoses pas si ésotériques, moins encore « surréalistes », d’un individualisé « réalisme magique », amen. Entre CV et symboles, tout ça ressasse une vie et des œuvres à la fois tragiques et drôles, fourmille de faits fanés, repose sur des interprétations à l’unisson, le doigt ou plutôt le regard et l’expression sur la couture du pantalon, sur la « colonne cassée » de la sacro-sainte Mexicaine croquée en cruelle création. Ce Frida-là, on le voit, concocté par un studio spécialisé, carbure à la psychologie jolie, à l’exégèse à l’aise, étudie comme il faut de fameux et familiers tableaux, filmés in situ, parmi des musées locaux, prétexte d’exposition par procuration, afin de faire payer sa place doublée au spectateur amateur de toiles et provincial. On note itou une narration en surplomb, un essaim de citations, un filigrane de personnification, la méconnue Díana Bermudez en ersatz subliminal de la svelte Salma Hayek. S’il évite l’écueil de la docufiction à la con, l’opus placide et insipide ne se déleste pas un seul instant de son aspect très formaté de produit destiné à la TV, pour chaîne autoproclamée culturelle à la truelle. On objectera les vertus de l’objectivité, de la découverte et de la transmission aux juvéniles générations l’estimable nécessité, mais il s’agit bel et bien d’alibis rassis, en aucun cas de cinéma, d’analyses évidentes et cependant, sans doute justement, réductrices, d’un résultat dont rien ne restera, dispensable pièce de plus au magma livresque et audiovisuel de la « Fridamania ». Demeurent en définitive l’image multiple et les images démultipliées d’une femme divisée, audacieuse, talentueuse, joyeuse et malheureuse, capable de transcender la douleur corporelle et existentielle, fatale et sentimentale, de transformer une courte trajectoire en persistante victoire. Frida Kahlo, avec ses qualités, ses défauts, son communisme, son nationalisme, sa « naïveté », sa lucidité, Breton and Co. quels cons, charme au moyen d’un clair mystère, d’une énigme intime, alors que la force exquise et précise du corpus corrige la faiblesse du corps in fine promis à la mort…

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