Mado

 

Un métrage, une image : Minuit… quai de Bercy (1953)

Pour Jacqueline

Occise par Madeleine l’actrice, Mado la concierge pratiquait l’attraction/répulsion à répétition, à rêve d’évasion, le chantage sans ambages, accessoirement le mortel accident d’enfant, alors le méconnu Minuit quai de Bercy, signé d’un « artisan » transparent, illico entrecroise L’assassin habite au 21 (Clouzot, 1942), encore huis clos, idem situé à Montmartre, et Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (Petri, 1970), autre renversement de rôles, plus violent et plus drôle. Mademoiselle Robinson, à la Mrs. Robinson de Garfunkel & Simon mes salutations (Le Lauréat, Nichols, 1967), incarne donc la dame endeuillée d’un « criminologiste » passionné courtisée par un flic fatigué. Cette « femme supérieure », telle l’appelle l’épicier salace, (dé)croise ses jambes aussi bien qu’une certaine Sharon Stone (Basic Instinct, Verhoeven, 1992), pourtant pas de pic à glace de garce, plutôt un sombre pistolet d’un immaculé déshabillé en contraste. Co-adapté d’un roman policier primé + dialogué par André Accursi, partenaire de Claude Bernard-Aubert exilé du X, ailleurs collaborateur de Prévert, Freda, Decoin ou Carné, le métrage d’un autre âge déploie sa panoplie de suspects pittoresques, à la Pot-Bouille (Duvivier, 1957) presque. « Avenue Rimbaud » valse van Parys et se dévoilent les indices, parmi une tragi-comédie sous le sceau de l’empire du désir et d’un puritanisme very fifties. On reconnaît Carmet, on salue le suave Seigner, on revoit Rosy Varte, on « s’en paye une bonne tranche », de jambon, sinon de prostitution, grâce à Blanche, on culpabilise avec Erich (von Stroheim, who else?), on s’amourache avec Randax. Tout ceci tire son origine de jadis et de Nancy, comporte un prof de latin point serein, un masseur à moustache, un cabaret où à moitié se désaper, son partenaire dessouder, tigresse topless. « Voir une femme nue me glace » affirme la fréquentable coupable, moins suicidaire que Lemaire, quoique, « Chatte » machiavélique au sourire angélique. Disons en émule de Jean Simmons (Un si doux visage, Preminger, 1952), elle matérialise la schizophrénie d’un pays, à la fois queutard et furibard, obsédé et gelé, aux « corbeaux » à la Clouzot (1943), aux « putains » et aux « puceaux ». De Schubert Esprit saint ? D’une décennie l’esprit malsain, mesquin, conclu via une coda conçue comme une acmé, un climax de quai, de Don Giovanni à la Mozart & Losey (1979) délocalisé, inversé, durant lequel Madeleine succombe à elle-même, demande à son amoureux magnanime et démuni le pardon, voire l’extrême-onction, salope et sainte à l’unisson, du talent évident et du charme envoûtant de Mado Robinson la majeure et mineure démonstration-exhumation.

Commentaires

  1. Beau billet à l'égal du charme captivant et miroitant de Madeleine Robinson...encore une histoire de double féminin qui ne supporte rait pas certain reflet désobligeant de soi-même dans le miroir, au passage les choses étant ce qu'elle sont et un immeuble un condensé de diverses couches sociales, tout le monde en prend pour son grade question diableries...
    question climax ce film dans un autre registre celui des frères Prévert à l'écran et à l'oeuvre épaulés par un assez étonnant Charles Trenet...
    Adieu Leonard! https://www.youtube.com/watch?v=BJwZwVRAVfk

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    1. http://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2021/06/paulette.html?view=magazine

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    2. Merci pour la dédicace,
      la franchise de ton est souvent salutaire pout mener un dialogue intéressant au travers du jeu de questions réponses,
      une autre suggestion au cas où ce ne serait pas déjà vu et en espérant ne pas forcer le regard amical du cinéphile :
      Les compagnes de la nuit
      Un long métrage de Ralph Habib
      avec Françoise Arnoul, Raymond Pellegrin
      Sortie en France : 28/08/1953
      https://www.youtube.com/watch?v=ytvuFzW95bg&list=LL&index=1

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    3. http://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2021/06/les-compagnes-de-la-nuit-jembrasse-pas.html?view=magazine

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