Les Enfants du désordre
Un métrage, une image : Rue des prairies (1959)
Denys de La Patellière ne possède le
moindre soupçon de personnalité, il se repose sur les personnages, leurs
paroles, leurs interprètes, à savoir sur le travail valeureux et savoureux du
tout sauf tocard Audiard. Mélodrame familial divisé en deux temps, le passé, le
présent, Rue des prairies dispose d’une scène dite d’exposition assez
excellente, modèle de litote dépouillé de parlote, où explose en silence l’éloquence
de la présence de Gabin déguisé en prisonnier guerrier émancipé, endeuillé,
cocufié, donc doté d’un « fils préféré », émouvant « délinquant »
de Dumas à défaut de celui de Nicole Garcia. Ensuite, ça se complique, le
bâtard se bagarre, sa sœur et son frère font la paire, tandem pragmatique de réussite cynique. Tout se termine au
tribunal, père accablé, « mineur » libéré, amour masculin jamais
mesquin formulé enfin. L’adaptateur/dialoguiste s’y connaissait en cyclisme, il
esquive la pénible sociologie, il esquisse l’instantané d’un pays, en train de
se modifier, de s’affronter, de s’engueuler, de se réconcilier. Soi-disant
anarchiste droitiste, Audiard se méfie des flics, surtout s’ils frappent les
premiers, d’une justice conservatrice, in
extremis magnanime, il croque les
classes sans pathos, cf. du paternel à transport en commun et du patron de la
« pâte à papier » la rencontre du tac au tac, dommage pour la messe
de Bach, il rédige l’éloge de la « paternité recomposée », il signe
la silhouette d’une péripatéticienne presque à la Darc Mireille, immédiatement maternelle
et doucement cruelle. En résumé, il réussit ce que rate Adieu les
cons
(2020), le gros mélo démago du vrai-faux rebelle Dupontel, sinistre marionnettiste,
sentimental « fasciste ». Sept ans suivants, le « cinéaste »
des pareillement estimables, « interchangeables », pour les mêmes raisons,
les mêmes limitations, Un taxi pour Tobrouk (1960), Le
Bateau
d’Émile
(1961), reprendra le motif de la quête paternelle avec l’intéressant et
toutefois insuffisant Le Voyage du père (1966), sorte de Hardcore
(Schrader, 1979) sudiste dans lequel Fernandel se confronte à son tour au
désamour, aux enfants devenus grands, décevants, « fossé des
générations » sur fond de secrète prostitution et de « société de
consommation ». Ni réactionnaire ni prolétaire, ni alcoolique ni
nostalgique à l’instar de Un singe en hiver (Verneuil, 1962), Rue
des prairies s’apprécie en divertissement du moment, ponctué du plan
récurrent d’une tour Eiffel éternelle, valsée via le spécialiste van Parys. Face au « dabe » peu riche,
au « cave » qui « se rebiffe », en effet, s’agite Grangier,
qui quasiment à la Marius (Korda, 1931) aime, à Sarcelles en contremaître à
salopette supervise l’invasion des HLM, de Brasseur le fiston s’avère plutôt bon,
à l’unisson d’une Marie-Josée Nat dont la voix voilée rend plus claire la
colère...
Gabin ̣dans ''Le tonnerre de Dieu''.
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=Jiy2bJ8l_o4