Le Schpountz : Paradox

 

 « C’est pas gai, mais ça peut le devenir » et à se souvenir, on respire…  

Victime d’un mythe critique inique, dû en partie à des écrits de dramaturge pragmatique, en dépit de l’appréciation/réhabilitation du lucide André Bazin, parce qu’il le valait bien, Pagnol accomplit ici plusieurs réussites, en tant que dialoguiste, scénariste et, j’insiste, surtout cinéaste. Ce faux monologue mais vrai moment de « cinéma méta » magnifie Fernandel, homme apparemment peu estimable, Bourvil opine, mais acteur incontournable, n’en déplaise au falot Truffaut, qui bouleverse(ra) aussi en bossu, via les origines « angéliques » de Naïs (1945). En plus de déployer un art poétique sudiste, in situ, bienvenu, Le Schpountz (1938) redécouvre le Paradoxe sur le comédien de Diderot, voire de Rostand la tirade nasale de Cyrano, à l’occasion d’une décollation prétexte à l’exposition de multiples « expressions ». S’il sait se moquer du cynisme des (parisiens) « professionnels de la profession », « dîner de con » délocalisé en presque pique-nique d’équipe au repos et à la Renoir (Le Déjeuner sur l’herbe, 1959), il ne flatte le fat, il parvient, avec l’aide du comédien (de music-hall, quelle cruelle école), à le rendre vivant, émouvant, passionnant puisque « passionné », en effet. Face au public flatteur et se foutant de lui en catimini, face à l’efféminé Pierre Brasseur, à la complice Orane Demazis, Fernandel excelle à incarner, vocalement et visuellement, un « fada » de cinéma, sens duel, dont le caractère dérisoire se voit vite rédimé par l’absolue sincérité du personnage et le talent évident de son interprète, double sens, car chanson de conclusion, avant de dévier vers le provençal sentier. Munie d’une discrète maestria, la caméra capture un instant désarmant et stimulant, à la fois à fond réflexif et en outre dit « d’anthologie ». Fi de Stanislavski, dehors le Studio d’Actor, exit l’expressionnisme, à mort le naturalisme, voici une autre technique, d’automate automatique, sa versatilité renverse et le succès soudain en sourdine (le) sidère.

Le réalisateur en véritable « auteur » (de/du film) se sert du son (« direct »), change les échelles des cadres éclairés par le régulier Willy, métier mis en abîme sous les traits de Robert Vattier, s’avance en travelling avant. Jean de Florette (Manon des sources, 1952) voulait cultiver « l’authentique » ; Irénée veut cultiver son « sex-appeal ». Il faudrait diffuser cet extrait au sein des établissements (dé)formateurs en matière de scène ou de ciné, afin de faire sourire et d’instruire. Il faudrait rappeler aux spectateurs du pays ou d’ailleurs que la « comédie », y compris sous l’apparence de la « tragédie », vise indeed à (leur) « inspirer des sentiments » plutôt qu’à les ressentir réellement, ce qu’un certain Orson Welles, lui-même admirateur de Raimu, remémorait à un intervieweur un brin désabusé. « L’essai » improvisé se déroule donc en deux temps, se déroule sur un fond de forêt de fragile et enfantine éternité, en tout cas pour ma plume marseillaise, que ceci ou pas vous plaise, séduit par son caractère ludique et mélancolique, de séquence célèbre guère obsolète, de passé décédé aujourd’hui ressuscité selon la numérique modernité. Il suffit à l’histrion de « pousser la chanson » pour que surgisse la musique dite « diégétique », par opposition à celle classée « de source », davantage visible, « effet spécial » mental. Alors que la première partie la coupe du montage manie, manière de porter au carré la dynamique des répliques, du jeu action/réaction de toute la troupe, la seconde, développement d’une convaincante « audition » en… audition de chanson, se focalise sur l’artiste, épouse son immobilisme à la Tino Rossi, « plan-séquence » au service de sa prestance, de son immanence, terminé par un « panoramique » puis le « plan moyen » de la sautillante coda au bois. Le chanteur « ne comprend rien à l’amour », Pagnol pige depuis longtemps ce que filmer signifie. On « y revient toujours », à ses images, paysages, visages, à ses amusants mélodrames en définitive destinés à « Faire rire tous ceux qui mourront, faire rire tous ceux qui ont perdu leur mère, ou qui la perdront... », plaidoyer pro domo et pourtant programme idoine, non ?

Commentaires

  1. Réponses
    1. https://www.youtube.com/watch?v=eXSvwSR3ZLg
      https://www.youtube.com/watch?v=mQxcOJ0yEoY
      https://www.youtube.com/watch?v=BUdyX71jFYA
      https://mcronenberg.wordpress.com/2016/06/11/piece-panique/

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    2. Collectif des artistes de Fada N'Gourma
      https://www.youtube.com/watch?v=P7J4_wCJq20

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    3. https://www.youtube.com/watch?v=rylUZoB_kUw

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