Postmortem
« Double exposition »,
« surimpression » ? Impression de déjà-vu, de malvenu…
Je préfère le vin d’ici à l’eau de
là.
Pierre Dac
313 pages, c’est-à-dire, en réalité,
266, car notes pâlottes, puisque « anthologie spirite » anecdotique,
en supplément remerciements à la maman, aux enfants, à Nikos Aliagas, Yves
Coppens, Michel de Grèce, Vincent Delerm, Fazil Say, allez : Autopsie
des fantômes : Une histoire du surnaturel se finit fissa, se
révèle vite superficiel. Conçu comme une « autopsie du spiritisme »,
une « anthropologie des fantômes », d’autres catégories à la
gomme ?, il s’agit aussi d’une « enquête inédite », presque
cosmopolite, conduite par un docteur triple, en médecine, ès-lettres,
ès-sciences, tu penses, par un type qui en plus se préoccupe de lexique
patronymique et pathologique, affiche et vice-préside ses sympathies
féministes, chevalier au carré, encore collaborateur à la TV, surtout selon Secrets
d’Histoire, il m’arriva autrefois de l’y voir. Un petit préambule +
vingt-six chapitres tissés d’extraits, de compositions, de conversations,
suffiraient à faire le tour du sujet, sinon à le classer en affaire classée, en
effet, cadavre de « spectacles » plutôt que d’idées à
« autopsier », CQFD, phénomène multifactoriel, à ranger au rayon à la
con des farces et attrapes patraques, du passé dépassé, trépassé. Le lecteur sans
peur, des auteurs amateurs, des supposés spectres, des mecs malhonnêtes, se
farcit de facto, à nouveau, la liste des suspects habituels, amitiés aux
mânes de Michael Curtiz (Casablanca, 1942). Sarah Winchester,
Arthur Conan Doyle, Swedenborg, Mesmer, Camille Flammarion, Thomas Edison,
Lafcadio Hearn et l’inévitable Victor Hugo font par conséquent partie du
tableau, brossé illico, de manière
douce-amère, très orientée, toujours à charge, jamais à décharge. Philippe Charlier
prend les devants, pas seulement au pays du « Soleil Levant », il ne
se soucie de l’existence du surnaturel, ne l’affirme ni ne l’infirme, même si,
une fois l’essai refermé, le sceptiques respirent, il s’interroge :
« à qui profitent les fantômes ? », il se pose et expose,
« avec un double regard de médecin et d’anthropologue », la question
de la croyance, de sa puissance, voire de sa persistance, sa pertinence, de son
désir à proximité du pire, individuel et collectif. Ce tracé de la crédulité,
substitué à celui de la crédibilité, itinéraire scolaire, doté de la profondeur
d’un article en ligne d’une célèbre encyclopédie collaborative, se réduit à de
la sociologie, à de l’anthologie, à un point de vue touristique, ponctué de
notations ethnographiques. Un soupçon de religion, un zeste de « divine
sagesse », quelques grammes d’art brut, une pincée de médiumnité dénudée,
assortissent la thèse balèze, à savoir que tout ceci, « courtes folies »
étalées sur un siècle et demi, déployé durant le dix-neuvième a posteriori,
relève évidemment de la psychologie, de la psychiatrie, de la psychanalyse, du
rationalisme, du romantisme, du charlatanisme, du voyeurisme, des cimetières
révolutionnaires, de la culpabilité, du « vide » à combler, de la « responsabilité »,
de « l’inexorabilité et de l’irrévocabilité de la mort »,
d’accord ? Entre technologie et « nécrophobie », la « crise
institutionnelle » épouse la perte existentielle, amen. Au-delà d’enfoncer des portes ouvertes, d’inciter à résister
à l’héritage de Hamlet, d’en méconnaître l’aphorisme à Horatio, toutes les
choses célestes et terrestres, dont ne rêve votre philosophie d’ici, voui, l’opus dispensable pratique
l’approximation, cf. de Nosferatu le vampire (Muranu, 1922) le
fameux franco-français carton, ne parvient à saisir, à l’instar de Barthes, que
la photographie, puis le cinématographe, constituent de façon claire, première,
des arts funéraires, que les vivants, les hommes et les femmes de notre temps,
participent déjà de l’ectoplasme, du zombie,
Romero en rit, en particulier au supermarché, que la mélancolie cathartique du
fantastique, fantomatique ou fantasmatique, témoigne itou du ludique, du
poétique, du politique, ricane Kubrick, estimant, à juste titre, que Shining
(1980), optimiste, procédait, au propre et au figuré, du happy ending. Délesté de
style, le détective guère intrépide plaide en définitive en faveur d’un
hédonisme limpide, « se hâter de bien vivre ». 20 €, mon coco ?
Rendu, in situ…
« à qui profitent les fantômes ? » : De la singularité fantôme (au Great Reset orchestré par le grand maître des cérémonies de Davos) "d’où la matière humaine ressort à la fois entièrement questionnée et recomposée"....Il y a matière à réflexion sociologique que l'opus détaillé par vos soins ne semble bizarrement pas aborder, je n'en ai lu que des extraits, et pourtant...car si cette nouvelle idéologie pousse si allègrement, c'est qu'elle est boostée par le progrès technologique autant que nourrie d'anciennes racines historiques, cercles d'initiés du siècle des Lumières inclu.
RépondreSupprimer! "La singularité fantôme. Hypnose, chasse aux spectres et cybernétique de la transmigration à Calcutta
Spectral Singularity Hypnosis. Ghost Hunting and Cybernetics of Transmigration in Calcutta
Emmanuel Grimaud https://journals.openedition.org/gradhiva/4011
Philippe Charlier remercie Philippe Baudoin, placé ici au début de la bibliographie, en « partenaire des sons de l’au-delà », signale encore les Histoires de fantômes indiens de Tagore…
SupprimerTout ceci, surtout le paragraphe 33, ne peut pas ne pas (me) remémorer Marguerite Duras, puisque Son nom de Venise dans Calcutta désert (1976) apposait sur l’absence urbaine les fantômes phoniques de la bande-son de India Song (1975)…
On se rappelle aussi de Au-delà du réel (1980) de Ken Russell, mais mâtiné d’une sorte de nationalisme en sourdine, comme si l’inconscient collectif de Jung croisait le ciné de Satyajit Ray, vers lui je reviendrai…
Quant au colonialisme, en l’occurrence britannique, il laisse ses traces ectoplasmiques, le ghost hunting déjà très prisé des sujets de Sa Majesté, au dix-neuvième siècle dernier…
Merci de cette lecture roborative, assez vive, non démunie d’humour, sise sous le sceau du lucide Dick, pour lequel vous connaissez mon admiration, qui associe de manière stimulante mémoire et imaginaire, assimile l’hypnose, a fortiori filmée, (dé)montée, à « un cinéma mental, dont le patient est à la fois l’acteur, le réalisateur et le spectateur », résumé de phénoménologie, sinon de cinéphilie…
« Cérémonie » secrète de « l’idéologie » du « Reset » ? Peut-être, avec, à l’avenir, pour le meilleur ou le pire, le néo-dogmatisme du transhumanisme, maybe ; pour l’instant, des morts, avec lesquels vouloir communiquer, obsession mondialisée, des (sur)vivants, avec lesquels, merci aux rituels, se vouloir « rassurant », vous m’en direz tant…