En corps
Un métrage, une image : Full Contact
(1990)
Aimable mélodrame, Full Contact
fonctionne au combat clandestin, à l’encontre, à la rencontre, du destin. Si
l’issue du fight ultime, ensuite la fin du film, démonstration dédoublée de
magnanimité méritée, n’entendent surprendre, l’item trentenaire, populaire,
indépendant, étonne autrement. Au-delà d’être un évident véhicule pour Van
Damme, qui ne conduit, qui coécrit/chorégraphie, il s’agit aussi d’une
vraie-fausse autobiographie, d’une fable familiale, d’un portrait paupérisé du
« pays des opportunités ». Deux années après la satire lucide, à domicile, de
Invasion Los Angeles (Carpenter, 1988), Lionheart, titre explicite, Kate Bush l’adore, d’accord, se place parmi une perspective marxiste, se rapproche des cloches,
met à l’honneur un tendre déserteur, une esseulée belle-sœur, met en vedette
des êtres honnêtes, cabossés au propre et au figuré. Ni Rocky (Avildsen, 1976),
ni Fight Club (Fincher, 1999), sus au sentimentalisme, au solipsisme, voici
donc un second récit d’« aliénation », alien de Légion étrangère, flanqué d’un
funeste frère, trafiquant défunt, dès l’orée, à face enflammée, dont la féroce « force
de production », baston à répétition, vilaine « valeur d’échange », moyen
malsain de « subsistance », profite à des capitalistes portés sur le spectacle
patraque, cadré au carré. Le premier film de l’ami et cependant scénariste
Lettich (Rambo III, MacDonald, 1988), sa fifille de caméo muet déguisée en
Cosette made in USA, déploie l’odyssée de Lyon Gaultier, mes amitiés à La Dame
aux camélias de Dumas, au fourneau à bord d’un bateau, arrivé trop tard à
l’hosto du frérot, souffrant du froid, d’abord du chaud, croisant la déroute de
Joshua, amocheur amoché, parieur réprouvé, la route de Cynthia, organisatrice
tentatrice, donneuse de symbolique surnom, mateuse de cul nu du mecton. À L.A.,
Hélène élève Nicole, ne prend pas de drogue, doit payer illico d’importants
frais médicaux, malvenus, puisque point de Sécu. En dépit de ses succès en
stock, de sa très bonne cote, l’oncle se casse une côte, à fournir en catimini
une fictive assurance-vie, il risque in extremis la sienne, face à l’effarant,
indéfait, pas fada, Attila, montagne munie d’un chat immaculé, à Bond emprunté.
L’outsider s’avère vainqueur, lion doté de cœur, d’honneur, fi de formulée «
inflation », de future condamnation. Van Damme transpose ainsi son propre CV,
auteur-acteur et exilé à la (re)connaissance que l’on sait, acquise à la force
et à la fragilité du poignet, du pied, d’une mélancolie mise en abyme, quitte à
sacrifier à l’arrogance, à l’accoutumance, de parvenu (im)posture, aux
raisonnements obscurs, le personnage de Deborah Rennard en hommage-outrage au
mentor Menahem. Lucide, intrépide, escorté des frangins Qissi, Jean-Claude
permet à ses partenaires de s’exprimer, ne les laisse s’apercevoir en faiblards
faire-valoir : ce renvoi d’ascenseur au réalisateur doit une partie de sa
réussite à l’interprétation de Harrison Page & Lisa Pelikan, du
sous-estimé JCVD. Et quatre ans suivant
Cobra (Cosmatos, 1986), revoilà l’impressionnante trogne de Brian
Thompson. Non démuni d’humour, scoré ad hoc par l’orchestral John Scott,
ponctué de castagnes claires, aux décors exotiques, Lionheart n’usurpe sa
réputation, construit un canon, envisage déjà le trajet inverse de Légionnaire
(MacDonald, 1998). Il valide l’irréversible, la vanité de la vengeance, il
adoube la seconde chance, sinon l’abstinence. Dans Le Voleur de bicyclette (De
Sica, 1948), encore un conte du prolétariat, il fallait à tout prix récupérer
l’objet, l’activité, la dignité ; il suffit, ici, de l’offrir à une enfant
orpheline, en danger, entourée, (é)preuve de solidarité(s), de la pugnacité de
types capables de pleurer…
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