Les 39 Marches

 

Un métrage, une image : The Cellar (2022)

La cave se rebiffe, abrite le fameux Baphomet, fichtre. The Cellar rappelle Poltergeist (Hooper, 1982), puisque disparition, puisque dimension, y revoilà L’Au-delà (Fulci, 1981), néant droit devant, d’éternel maintenant. On pense aussi à la géométrie malsaine, non euclidienne, des Rêves dans la maison de la sorcière de Lovecraft locataire, à la physique quantique maléfique, au frisson métaphysique, du funèbre Prince des ténèbres (Carpenter, 1987). Le couple Woods dégote à prix soldé, « vente publique », chic, une imposante propriété ; hélas, on sait tous, au moins depuis Amityville : La Maison du diable (Rosenberg, 1979), qu’il faut se méfier des occasions à la con, des domestiques démons, que l’horreur classée économique, à la Rimbaud & Viviane Forrester, peut vite s’avérer fatidique, familiale, familière. Keira, sombre prénom, noir étymon, lui explique, sceptique, son époux et partenaire, faut pas t’en faire, faut laisser faire, fuite redite, notre fifille fugueuse, malheureuse, reviendra, crois-moi, codirige donc une débutante boîte de communication, ce contrat tu décrocheras, qui inclut, déjà mal vue par la future disparue, une adolescente inexistante, actrice complice, simulacre jovial de réseau supposé social, « cœur de cible » juvénile, darwinisme de « marketing » en ligne. De l’enfer pubère, qu’elle ignore encore, car harcèlement de la rebelle Ellie méconnu de l’absente maman, la voilà fissa projetée, emprisonnée, parmi celui de silhouettes suspectes, masse de marcheurs anonymes, vides et livides, (pré)occupés à compter, en rangs serrés, jusqu’à tout oublier, jusqu’à la nausée, grisaille de funérailles, bêtise de bétail. Dans The Cellar, les mathématiques ne permettent plus de mettre à nu le « magique », le symétrique, du monde mystérieux, harmonieux, d’en souligner le sens secret, le dessin et le dessein dévoilés. La musique dite des sphères s’efface face à un ersatz de Lucifer, le méphitique numérique remplace de manière ironique le capitalisme des algorithmes, l’« équation » devient « invocation ». Bien épaulé par un DP –Tom Comerford éclaira ou creusa The Hole in the Ground (Cronin, 2019) – porté sur le bureau de boulot acier bleuté, le foyer à la bougie agitée, le désert décoloré, Muldowney développe de façon assez soignée, composée, un court métrage intitulé The Ten Steps (2004), indice direct, auquel rajouter des accessoires connotés : gramophone guère aphone, crânes écarlates révélés à l’ultra-violet, boulier rétif à l’immobilité, lettres d’ornement, du Léviathan, triangles de pentacle patraque, plus tard ventral, marque de Satan sur le second enfant. Muni d’alchimie, salut à Éliphas Lévi, le (re)voici, non démuni humour sinistre, cf. l’affiche Missing Person agrafée en forêt sous celle de Missing Dog, en sus la reconnaissance maternelle, in extremis, due au tatouage anarchiste, « ni dieux ni maîtres », chouette, The Cellar portraiture un cas de logique paranoïaque, à travers le portrait de parents défaillants, et inversement, tandis qu’un universitaire accidenté, transformé en crack des maths, des « motifs » ésotériques, du « rayonnement de Hawking », de « l’étoile de Planck », du « nombre pi » et tutti quanti, légitime tout ceci, cher « chat de Schrödinger », « mort et vivant, en même temps, particule dans deux états différents », à l’appui, pardi, tant pis pour la gamine idem enfermée, invisible. L’histoire recommence, la souffrance, en Belgique, en Irlande, Elisha Cuthbert (La Maison de cire, Collet-Serra, 2005, Captivity, Joffé, 2007) affronte l’infect, rejoint, dommage, la secte, litanie de chiffres maudits, du père, du frère, de la mère. Lorsque la porte s’ouvre enfin, elle ouvre sur le damné destin, le manoir erre sans espoir, sans le secours du Docteur Strange, malchance. Le Diable, discret, calcule et ricane… 

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