Old Gringo
Un métrage, une image : Memory (2022)
Construit en boucle bouclée de cou
coupé, commencement et dénouement d’égorgement, ce remake américain d’un succès européen pouvait bel et bien se
déployer en mélodrame masculin un brin élisabéthain. Il convient de se
contenter d’un polar un peu politique, a
fortiori gérontophile, qui carbure,
en sourdine, à l’immigration clandestine, à la mineure mexicaine, à la sommité
de l’immobilier maternelle et malsaine. Sorti au terme d’avril aux
États-(dés)Unis, déjà disponible en ligne, Memory s’avère vite aussi
superficiel et consensuel que American Nightmare 5 : Sans limites
(Gout, 2021), file une métaphore déjà utilisée, idem délocalisée, par les très supérieurs Outrages (De Palma, 1989)
puis Redacted
(De Palma, 2007). Au viol et au meurtre comme armes militaires au Vietnam, en
Irak, se substituent la cellule du camp d’internement, pardon, du « centre
de détention », la violence de l’enlèvement, la complicité traumatisée, la
pornographie imposée, les témoins à décimer. Des citoyens US, à l’aise, baisent
des gamines du Mexique, treize ans te semblent suffisants ?, mis en
danger, au téléphone menacés, chantage, dommage, ils s’adressent fissa à un
tueur atteint d’Alzheimer, en écho à son frérot. Le contrat conclu du côté extrême
du Texas ne s’exécute, l’exécuteur doté d’un cœur ne s’excuse, car à l’instar
de Scarface – De Palma & Pacino s’y intéressèrent de manière éphémère – il
ne s’en prend aux enfants, il ne participe à la sordide et racialisée,
paupérisée, child exploitation, « prostitution
juvénile », en France, on parle plutôt de pédophilie, oui. Face au
flingueur incapable de se rappeler où se trouve la preuve planquée, la clé USB,
ça débute par un B, se (re)dresse un flic dépressif, orphelin de femme et fils,
cafard de chauffard, philosophe pessimiste, puisque « la mémoire est une
vraie salope et la justice jamais garantie », pardi, à moins de la rendre soi-même,
in extremis, à domicile, policier basané, remercié, ulcéré, au cutter en colère, aux fringues flambées,
purifiées. En sus de cette sentence explicite, fatidique, l’accroche de
l’affiche affirme « His mind is fading. His conscience is clear »,
rien de plus à (d)écrire, rien à redire. À défaut d’autre chose, c’est-à-dire
de posséder un style, une esthétique de l’éthique, Campbell parvient à créer
des instants de brutalité secs et adultes, de dépouillé tumulte, mention
spéciale à la scène d’opération par balle, Terminator & Rambo se rhabillent
illico, arrive à humaniser des hommes
tourmentés, auteurs d’horreurs en reflet, cf. Casino Royale
(2006), Hors de contrôle (2010) ou The
Foreigner
(2017), Daniel Craig, Mel Gibson, Jackie Chan, trio touchant, tiercé gagnant.
Le responsable des dispensables GoldenEye (1995), Le
Masque
de Zorro (1998) ou Vertical Limit (2000) signe ainsi un
divertissement presque plaisant, presque poignant, un item indépendant, servi avec conviction et modestie par Guy Pearce
& Monica Bellucci. Quant au mélancolique mais sans merci Liam Neeson, il
compose une némésis maladive à pragmatique suicide, à l’opposé des véhicules,
au propre, au figuré, conduits en compagnie de Collet-Serra l’ami. Ni Memento
(Nolan, 2000) ni Huit millimètres (Schumacher, 1999),
moins encore Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (Peckinpah, 1974), Memory,
tourné en Bulgarie, mal accueilli, ne mérite le total oubli, portraiture la
perversité des puissants, affaire Epstein infernale, la collusion d’occasion et
l’impossible rédemption…
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