Deux filles au tapis

 

Un métrage, une image : Stiff Competition (1984)

« Est-ce que sucer, c’est tromper ? » demandait jadis Thierry Ardisson, à la TV, à ses invité(e)s. Stiff Competition répond que non, que les sentiments des amants excèdent le sperme, que la vraie victoire revient à se débarrasser du doute, du deal d’entourloupe, avouer à celui qui lui procura, au moins le temps de l’entraînement, la sensation d’être la meilleure, en sus d’un certain bonheur, qu’elle l’aima pour cela, l’ultime pipe le lui prouvera. Plumard, panard, braquemard, comme bon vous semble de trouver l’ensemble dégueulasse – soudain, un instant de grâce, lorsque le coach ôte de la caboche de sa sportive en définitive fidèle, peu rebelle, le chapeau noir, ah, allez savoir, allez y voir. Le ciné classé X, je le dis, je le redis, hier et aujourd’hui, représente un empire de la tristesse, l’explorateur sans peur peut pourtant y apprécier aussi de la tendresse, de la liesse. Réussite explicite du cinéma d’autrefois, en 35 mm, jamais malhonnête, pourvu de personnages, de situations, d’une narration, produisant des émotions, ne prenant personne, surtout pas son casting choral et d’incontournables à l’unisson, pour un con, poilu ou non, merde à l’imberbe moderne, Stiff Competition s’avère un divertissement souvent divertissant, finit en feel good movie à la Rocky, arrêt sur image en hommage, bêtisier à ne négliger, témoignage d’un tournage tel un jeu sérieux, à la bonne humeur majeure, due en partie, paraît-il, à la coco disponible sur le plateau, Tony Montana ne me démentira. La fellation affole les féministes, les cinéphiles, a fortiori depuis Gorge profonde (Damiano, 1972), toutefois s’effile la ligne de la « domination masculine », le féminisme se transforme d’une décennie à l’autre, Linda Lovelace cède sa place, s’affirme victime, à l’anatomique et au comique se substituent l’athlétique et le fric. Le métrage de son âge examine, met en abyme, en sourdine, une industrie, un pays, portés sur la performance, dans tous les sens. Le commentateur du match, à l’occasion d’une disqualification, car la Texane suça son mecton, parle de courage, de « sleazy business », peut-être pense-t-il au bizness de la fesse. Ailleurs, un maquereau beau parleur, pardon, un adversaire vénal, à biftons, évoque encore le sort du local Poulidor, à savoir Bush Senior, rétamé puis rédimé par Reagan, qui perd gagne. Décédé peu après, trépas prématuré, Vatelli, coscénariste et codirecteur de la photographie, ne se soucie ici, Dieu merci, de salace gynécologie, il compose au cordeau. Bien écrit, éclairé, bien monté, musiqué, amusant et stimulant, puisque point stupide, Stiff Competition remporte son pari, prodigue en pseudonymes ou toponyme humoristiques, mentions spéciales à Tammy The Tongue, Cynthia Silkthroat, Beaver Creek, chic. Bonello déclarait illico que le visage avaleur de pénis procédait en dernier rempart d’humanité, vision moraliste, sinon moralisatrice. Délesté de cynisme, doté d’hédonisme, l’héroïne participe pour le plaisir, pas pour l’argent, mon grand, doxa du X, tabou des sous, garni en « Special Guest Star » et journaliste saphique de Kitten Natividad, familière de Meyer, commencé à Frisco, achevé à Vegas via New York, fourni en fondus enchaînés, voire au noir, sa compétition consensuelle diffusée à domicile, trio de mamies irrésistibles, au bar, mise perdue, demeure l’amical verre à boire, Stiff Competition consacre l’œil et le cœur du réel réalisateur. Viva la vida ? Viva Jenna Carrera !

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